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Le chocolat équitable, un produit en voie de disparition ?
Article mis en ligne le 21 avril 2014
dernière modification le 17 avril 2014

Déforestation, travail des enfants, paysans sous-payés : dans les pays où il est cultivé, le cacao n’est pas vraiment synonyme de progrès social. Pourtant, le marché du chocolat ne s’est jamais aussi bien porté. Et la pénurie de cacao menace. Les géants de l’industrie du chocolat tentent de réagir en annonçant vouloir se convertir au cacao « durable ». Plusieurs certificateurs de commerce équitable leur proposent un label sur-mesure. Au risque de renoncer à véritablement transformer une filière socialement injuste.

De loin, cela ressemble à une petite révolution. Les géants de l’industrie du chocolat se convertissent au « cacao durable ». 100% de cacao certifié en 2020, a annoncé la multinationale états-unienne Mars (pour l’instant, 20% du cacao acheté par Mars chocolat serait certifié). Certifié, donc plus respectueux des producteurs. Mars n’est pas la seule à se lancer dans « l’équitable » : le groupe suisse Barry Callebaut, un des leaders mondiaux de la production de chocolat, développe un programme pour soutenir les producteurs dans une démarche de respect de l’environnement. Et aurait atteint les 10% de matières premières certifiées par des organismes de commerce équitable. Dans un secteur aussi concentré, où une poignée d’entreprises se partagent le marché du chocolat (Avec Kraft Food et Nestlé, Mars est l’un des géants du chocolat), ces décisions peuvent avoir de fortes conséquences sur une filière aujourd’hui à bout de souffle.

Car la productivité des cacaoyers ne cessent de chuter. L’exploitation intensive des plantations, principalement en Afrique de l’Ouest (72% du marché mondial), menace l’approvisionnement du marché. Au cours de 2013, plus de quatre millions de tonnes de cacao ont été consommés, 32% de plus qu’il y a dix ans. Et la demande ne cesse de croître (...) La production deviendrait trop faible par rapport à la consommation. Et les prix grimperaient si la tendance n’est pas inversée. Les géants du chocolat l’ont bien compris : c’est à la base qu’il faut faire évoluer les pratiques. (...)

Un rapport du Programme des Nations Unies pour le développement estime que pour maintenir la production actuelle, il faudrait raser environ 6 millions d’hectares supplémentaires dans les prochaines années. Les forêts du Cameroun sont convoitées. Celles du Vietnam et d’Indonésie aussi.

A cela s’ajoute un défi social. Depuis 1950, le prix du cacao n’a cessé de baisser. « Aujourd’hui, le cacao ne vaut même plus la moitié de ce qu’il valait il y a trente ans », note la Déclaration de Berne [2]. Face à des revenus toujours plus faibles, nombreux sont les producteurs de Côte d’Ivoire, d’où vient 40% du cacao mondial, à se diriger vers d’autres métiers ou à abandonner leur terre. (...)

La culture du cacao manque de paysans. Malgré l’utilisation d’insecticides, de fongicides et d’engrais, le cacao nécessite beaucoup de main d’œuvre, que les machines ne peuvent remplacer. Qui assure une partie du travail ? Les enfants. En 2009, on estimait qu’ils étaient environ 230 000 à travailler dans les plantations de Côte d’Ivoire et du Ghana. 15 000 seraient des enfants esclaves. Forcés à travailler le jour. Enfermés la nuit pour éviter qu’ils ne s’échappent. (...)

Les déclarations se suivent ; les actes se font attendre. En 2014, le travail des enfants est toujours une réalité dans les plantations d’Afrique de l’Ouest. Pourquoi un tel échec ? « Le problème reste économique et social, estime Christophe Alliot. Tant que les familles de paysans n’ont pas de quoi vivre, le travail forcé des enfants est un fléau très difficile à endiguer. » (...)

Les codes de conduite et les certifications lancées par les entreprises ne changent la situation qu’à la marge. Mais le mouvement est impulsé : les entreprises cherchent désormais à faire certifier une partie de leur production. Et rassurer ainsi ses consommateurs. Pour cela, il faut garantir son image de marque. Y apposer un label. Cela tombe bien : des organismes existent. Ils s’appellent Rainforest et Utz. Leur principe : ils ne certifient la production de cacao que si les cacaoculteurs se sont engagés sur certains points. Pour obtenir la certification Rainforest, le producteur doit protéger la forêt. Mais sur les droits des enfants, c’est une autre histoire
(...) « Au final, ces certifications sont surtout un moyen pour les chocolatiers et les États de se donner bonne conscience », explique François Ruf, économiste au Cirad, spécialiste du cacao, à Terra Eco (...)

Comment assurer au paysan un revenu minimum et lui permettre d’exploiter le plus durablement sa plantation ? La solution viendrait du commerce équitable. Max Havelaar, Alter Eco, Ethiquable : ces organismes de certification (pour le premier) ou de commercialisation de produits issus du commerce équitable (pour les seconds) permettent de développer les liens avec des producteurs de cacao engagés dans une démarche plus soutenable. Ils défendent ainsi la traçabilité du cacao.

Prix minimum garanti au producteur [4], prime au développement, renforcement des organisations auxquelles appartiennent les paysans (coopératives) : les outils du commerce équitable permettent aux cacaoculteurs d’échapper à la pauvreté, fréquente dans la filière. D’après Max Havelaar, qui soutient 127 000 cacaoculteurs, 1,2% du cacao mondial vendu sur les marchés serait issu du commerce équitable. Pourtant, seul un tiers du cacao produit selon les normes du commerce équitable serait vendu avec le label. Les deux tiers restants sont écoulés sur le marché conventionnel, à un prix plus faible que le cacao équitable (...)

C’est notamment face à ce paradoxe que Max Havelaar a décidé de modifier ses règles de certification. Début 2014, l’entreprise a annoncé le lancement d’un nouveau label, le Programme d’approvisionnement Fairtrade (FSP). Avec des changements de taille : pour convaincre de plus en plus de fabricants de se tourner vers l’équitable, Max Havelaar peut désormais labelliser des produits qui comportent un seul ingrédient « équitable » (...)

Désormais, il suffira que seul le cacao, présent en très faible quantité dans la barre chocolatée Mars par exemple, soit équitable pour que l’ensemble du produit bénéficie du label. Et même si tous les autres ingrédients, comme le sucre, sont issus de filières traditionnelles. La barre chocolatée pourra ainsi porter le nouveau label Max Havelaar, qui ressemble, à quelques nuances près, à l’ancien. De quoi transformer, aux yeux des consommateurs, les produits chocolatés de nombreux fabricants en produits équitables. Et aider Mars à atteindre ses objectifs ambitieux pour 2020 (...)

La fin du lien entre consommateurs et producteurs ?

Depuis quelques années, Max Havelaar a aussi développé le mass-balance. Le principe est le suivant : le fabricant de chocolat qui achète 30% de cacao durable peut certifier 30% de sa production de chocolat. Peu importe si le produit fini, sur lequel est apposé le label Max-Havelaar, contient réellement du cacao certifié : cacao certifié et non certifié sont mélangés au cours de la production. Les fabricants de chocolat évitent ainsi d’avoir deux chaînes de production distinctes, et réduisent les coûts de production d’un chocolat certifié durable. Ce qui leur permet d’accroître toujours un peu plus leur part de marché. Max-Havelaar peut ainsi rivaliser avec Utz et Rainforest, dont les labels sont moins exigeants.