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La voix des Rroms
Le déni d’identité ne rétablit pas la commune humanité !
Article mis en ligne le 17 septembre 2012

Gisti, une association dont on ne pourra jamais assez saluer l’action, vient de lancer une pétition initiée par 105 personnalités et intitulée “Roms : la commune humanité bafouée”. Nous ne doutons pas des bonnes intentions qui motivent la plupart de ces cent-cinq personnes, et tenons à les remercier de cet élan de solidarité qui va dans le sens de la justice.
2. Or, le texte utilise systématiquement l’appellation “Roms”, mis entre guillemets au premier paragraphe qui dénonce cette “ethnicisation”, puis sans guillemets dans la suite. La première possibilité tombe donc. Ce n’est pas l’ethnicisation des migrants précaires roumains et bulgares qui est dénoncée, mais l’ethnicisation des Rroms eux mêmes, considérés dans le texte non pas comme une entité culturelle, mais uniquement comme ceux qui, Roumains (Rroms ou pas), Bulgares (Rroms ou pas), sont utilisés comme épuvantail et boucs émissaires par le gouvernement.

Et en lisant la liste des personnalités, on reconnait des noms, y compris de personnalités qui ont osé d’une part à nous inviter à intervenir à une table ronde intitulée “Les Roms, et qui d’autre ?” et qui d’autre part, en guise d’introduction ont dit que les Rroms, ça n’existe pas ; il y a juste des Roumains, des Bulgares etc., mais pas de Rroms, parce que nous, Rroms, ne nous reconnaissons pas comme Rroms.

Cependant, elles se sont fait manipuler par un courant de pensée négationniste qui a pu insérer son idéologie dans le texte, tel une larve dans un beau fruit, qui risque à la longue de détruire non seulement le fruit, mais tout l’arbre.

Par conséquent, La voix des Rroms ne signera ni ne relayera cette pétition. Seulement, nous tenons à expliciter la teneur de ce négationnisme. C’est d’autant plus important qu’il est passé inaperçu même aux yeux de nombreux connaisseurs des Rroms qui ont initié la pétition. Voici le premier paragraphe du texte de la pétition :

" Le nouveau gouvernement a choisi la continuité avec l’ancien : la politique d’expulsion des camps de « Roms » étrangers continue de plus belle. Aux mêmes motifs. Avec à peu près les mêmes mots, les mêmes images. Avec les mêmes présupposés et les mêmes conséquences. À commencer par l’ethnicisation de familles issues de lieux et d’histoires multiples, qui ne se reconnaissent pas nécessairement de destin commun, sauf celui auquel on les assigne : le cercle vicieux de la misère et de l’exclusion."

Qu’est-ce que “l’ethnicisation de familles issues de lieux et d’histoires multiples, qui ne se reconnaissent pas nécessairement de destin commun, sauf celui auquel on les assigne : le cercle vicieux de la misère et de l’exclusion.” ?

Deux réponses sont possibles :

1. Il est vrai que les familles en question ne sont pas toutes rroms, mais toutes considérées telles parce qu’elles vivent dans des bidonvilles et se font expulser. De ce point de vue, il y a effectivement une ethnicisation, c’est-à-dire une interprétation en termes ethniques d’une réalité purement sociale, créée de toutes pièces par une politique qui exclut depuis des années ces migrants. Il s’agirait dans ce cas là d’une pétition concernant les migrants précaires des bidonvilles. (...)

2. Or, le texte utilise systématiquement l’appellation “Roms”, mis entre guillemets au premier paragraphe qui dénonce cette “ethnicisation”, puis sans guillemets dans la suite. La première possibilité tombe donc. Ce n’est pas l’ethnicisation des migrants précaires roumains et bulgares qui est dénoncée, mais l’ethnicisation des Rroms eux mêmes, considérés dans le texte non pas comme une entité culturelle, mais uniquement comme ceux qui, Roumains (Rroms ou pas), Bulgares (Rroms ou pas), sont utilisés comme épuvantail et boucs émissaires par le gouvernement.

Et en lisant la liste des personnalités, on reconnait des noms, y compris de personnalités qui ont osé d’une part à nous inviter à intervenir à une table ronde intitulée “Les Roms, et qui d’autre ?” et qui d’autre part, en guise d’introduction ont dit que les Rroms, ça n’existe pas ; il y a juste des Roumains, des Bulgares etc., mais pas de Rroms, parce que nous, Rroms, ne nous reconnaissons pas comme Rroms. Pour ne pas la nommer, il s’agit de Mme. Canut.

Certes, être identifiés comme des mendiants et/ou des délinquants qu’on expulse, comme le font autorités politiques et médias, c’est insupportable. Mais entendre dire qu’on n’est pas, tout simplement, ça l’est encore plus. Ce déni d’identité est plus criminel que la politique de Hortefeux, Guéant et Valls. (...)

Nous avons une identité rromani dont on est d’autant plus fiers que nous ne la concevons pas comme exclusive d’autres identités ethnico-nationales. Nous savons très bien être à la fois Rroms, Français, Roumains etc. et Européens. Et dans cette identité rromani, le concept de “fierté”, en rromani “barikanipen” est un vice. C’est pourquoi les camps internationaux de fierté rrom organisés ces dernières années à Budapest par la fondation Soros s’intitulaient “Barvalipe”, qui veut dire “richesse” et tournaient justement autour de l’identité rromani, riche parce que multiple, ouverte vers l’extérieur tout en restant originale et non exclusive des autres identités ethnico-nationales. C’est dommage pour ceux qui ne peuvent pas en dire autant, mais ils devraient plutôt s’inspirer de cette identité et de ses modes de fonctionnement au lieu de lui dénier l’existence. (...)

voir la pétition en ligne sur le site du GISTI