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Le "greenwashing" des entreprises pétrolières : le nouveau front de la désinformation climatique
Article mis en ligne le 3 juillet 2022
dernière modification le 2 juillet 2022

"Limiter le changement climatique", "protéger la biodiversité", "atteindre la neutralité carbone"... : la communication -en particulier via les réseaux sociaux- de nombreuses multinationales du pétrole et du gaz quant à leurs actions en faveur du climat est régulièrement trompeuse, pointent depuis des années scientifiques et ONG, qui les accusent de "greenwashing".

Selon eux, cet "écoblanchiment" (qui consiste à tenir un discours "vert" tout en continuant à promouvoir les énergies fossiles) est devenu un nouveau front de la désinformation et contribue à ralentir la lutte contre le réchauffement climatique.

Régulièrement utilisé par les ONG à l’encontre d’entreprises ou de gouvernements, le mot "greenwashing" désigne selon le dictionnaire Larousse "une utilisation fallacieuse d’arguments faisant état de bonnes pratiques environnementales dans des opérations de marketing ou de communication", parce que lesdits arguments sont faux ou, plus fréquemment, parce qu’ils sont en décalage avec un discours et surtout des actions qui vont à l’encontre de cette communication "verte", au point d’en devenir trompeurs.

En résumé, leurs détracteurs estiment que ces messages ont pour effet de dissimuler l’essentiel de l’activité des entreprises polluantes alors que l’impact des énergies fossiles sur le réchauffement climatique est parfaitement connu et documenté.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de l’ONU explique que les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites à "zéro net" d’ici à 2050 pour respecter l’objectif de 1,5 °C de réchauffement, seuil permettant théoriquement d’échapper aux conséquences environnementales les plus dramatiques.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a pour sa part publié en 2021 une feuille de route sur la manière de réaliser la transition vers des sources d’énergie non fossiles pour atteindre cet objectif. "Il s’agit notamment, à partir d’aujourd’hui, de n’investir dans aucun nouveau projet d’approvisionnement en combustibles fossiles", précise-t-elle.

Malgré cela, les grandes banques - dont beaucoup ont elles-mêmes signé des engagements "net zéro" - ont déversé des centaines de milliards de dollars dans des entreprises qui développent l’extraction de pétrole et de gaz, selon une analyse de l’organisation spécialisée dans la surveillance des investissements éthiques ShareAction. (...)

De nombreuses entreprises se sont engagées à atteindre ce niveau de "zéro émission nette", nécessaire pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C, conformément à l’accord de Paris de 2016 sur le climat mais dans le même temps, elles encouragent les combustibles fossiles, comme le soulignent des chercheurs, et se lancent même dans de nouveaux projets de forage.

Ce que pointent en particulier les militants pro-climat et de nombreux experts spécialisés, c’est le décalage entre un discours "vert" et des actions qui ne suivent pas, ou vont même dans le sens inverse. (...)

Même s’il n’est pas surprenant que les entreprises de combustibles fossiles continuent à chercher et exploiter pétrole, gaz ou charbon, on peut parler "d’écoblanchiment" lorsqu’elles poursuivent de tels projets tout en prétendant s’être engagées à atteindre des objectifs de "zéro émission nette", estime auprès de l’AFP la chercheuse et militante américaine Genevieve Guenther.

La clé pour identifier le "greenwashing", confirme-t-elle, c’est de mesurer l’écart entre les actions dont les entreprises se vantent et les normes qui, selon les scientifiques, sont nécessaires pour réduire réellement les émissions.

Greenpeace pointe pour sa part "les affirmations audacieuses, l’imagerie inspirée de la nature ou les mots ’verts’ à la mode" et "les gestes symboliques... promouvant une caractéristique ’verte’ tout en ignorant d’autres questions environnementales plus importantes".

Le Forum économique mondial de Davos lui-même met d’ailleurs en garde contre "les affirmations qui attirent l’attention sur des problèmes mineurs sans qu’aucune action significative ne les accompagne".

L’observatoire numérique Eco-Bot.net (qui a pour but de "dévoiler la désinformation autour du changement climatique et le ’greenwashing’ des entreprises sur les réseaux sociaux pendant la COP26" de Glasgow fin 2021) pointe quant à lui la communication qui "révèle de manière sélective les références de l’entreprise ou présente des actions symboliques pour construire une image de marque sympathique". (...)

"Il est vrai que la désinformation consistant simplement à nier l’existence du changement climatique d’origine humaine ne semble plus aussi visible aujourd’hui que par le passé. Les nouvelles formes de désinformation qui ont pour but de ralentir l’adoption de mesures contre le changement climatique concernent de plus en plus les solutions (comme les attaques contre les énergies renouvelables)", estime aussi auprès de l’AFP Emmanuel Vincent, fondateur du site de vérification spécialisée dans les questions de climat Climate Feedback. (...)

Selon les militants pro-climat, la promotion de slogans environnementaux rassurants (vantant par exemple les nombreuses initiatives que les entreprises annoncent pour protéger la faune et les communautés locales) et de plans d’action parfois d’une utilité limitée sape le travail qui doit être accompli pour limiter le changement climatique. (...)