
Le cléricalisme est une « des plus grandes déformations » dans l’Église de l’Amérique latine, a souligné le pape François dans une longue lettre adressée au président de la Commission pontificale consacrée à ce continent, le cardinal Marc Ouellet, également préfet de la Congrégation pour les évêques.
Dans ce courrier daté du 19 mars et publié le 26 avril par le Vatican, le pape met en garde contre cette tendance qui « éteint peu à peu le feu prophétique dont l’Église entière est appelée à témoigner ».
« Nous avons créé une élite laïque en croyant que les laïcs engagés sont ceux qui travaillent dans des domaines dédiés aux prêtres, et nous avons oublié, en le négligeant, le croyant qui brûle souvent son espérance dans la lutte quotidienne pour vivre sa foi », regrette le pape François. À ses yeux, « ce n’est pas au pasteur de dire au laïc ce qu’il doit faire et dire » dans la vie publique.
Cette lettre fait suite à la rencontre le 4 mars dernier entre le pape et les participants à l’assemblée plénière de la Commission, consacrée à « l’engagement indispensable des fidèles laïcs dans la vie publique des pays latino-américains ».
« Nouvelles formes d’organisation et de célébration de la foi »
Si l’on considère les laïcs comme de simples « mandataires », ajoute le pape argentin, on « limite les différentes initiatives, les efforts et, j’oserai dire, les audaces nécessaires pour porter la Bonne Nouvelle de l’Évangile à tous les milieux de l’activité sociale et surtout politique ». (...) « Il est illogique et même impossible de penser que nous, en tant que pasteurs, devrions avoir le monopole des solutions aux multiples défis que la vie contemporaine nous présente », soutient-il. Au contraire, il s’agit pour le pape « d’accompagner le peuple, en l’accompagnant dans ses recherches et en stimulant cette imagination capable de répondre à la problématique actuelle ».
Il ne faut pas « uniformiser », prévient toutefois le pape François, rappelant la nécessité « d’inculturation de la foi », un travail « artisanal » et non pas une « usine pour la production d’une série de processus » pour créer des « mondes et espaces chrétiens ».
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– Pape François : le cléricalisme, « véritable perversion » dans l’Eglise->https://www.cath.ch/newsf/pape-francois-le-clericalisme-veritable-perversion-dans-leglise/]
le successeur de Pierre a eu des mots particulièrement virulents contre le cléricalisme. Selon lui, il s’agit d’une « véritable perversion » dans l’Eglise, où le pasteur se met « toujours devant » les fidèles et « punit d’excommunication » ceux qui s’écartent. Le cléricalisme, a-t-il asséné, « condamne, sépare, frustre, méprise le peuple de Dieu ». Et d’insister : « Le cléricalisme ne prend pas en compte le peuple de Dieu ». Cette attitude, a-t-il condamné, ne prend pas en compte la « souveraineté du saint peuple de Dieu ».
Pour le pape argentin, le cléricalisme « rigide » cache souvent de « graves problèmes », de « profonds déséquilibres » et des « problèmes moraux ». Une dimension de ce phénomène, a-t-il illustré, est une « fixation exclusive » sur le sixième commandement (l’interdiction de l’adultère). D’autres péchés semblant pourtant plus « angéliques » sont selon lui plus graves. « Nous nous concentrons sur le sexe et nous ne donnons pas de poids à l’injustice sociale, la calomnie, les commérages, les mensonges. L’Eglise a aujourd’hui besoin d’une conversion profonde sur cet aspect ». Enfin, a-t-il également considéré, le cléricalisme est « fondamentalement hypocrite ».
Evangélisation et prosélytisme
Devant les jésuites mozambicains, l’évêque de Rome a également affirmé que le prosélytisme était incapable de créer un parcours religieux dans la liberté. Cette approche, s’est-il attristé, « assujettit » et « ne fait pas de distinction entre le for interne et le for externe » (...)
Selon lui, existent ainsi des « sectes » qui tout en enseignant le Christ ont un message qui n’est pas chrétien. En prêchant la prospérité, elles ont « précisément » le message que Jésus dénonçait chez les pharisiens. A l’inverse, a-t-il tenu à préciser, existent des groupes protestants qui favorisent un « œcuménisme sérieux, ouvert et positif ».
« Je suis et reste un pécheur »
Lors de ces échanges, le pontife a également dénoncé la xénophobie et l’aporophobie (une attitude d’hostilité à l’égard des pauvres) comme faisant désormais partie d’une « mentalité populiste ». Pour lui, ces attitudes détruisent l’unité et veulent faire d’un pays « une salle d’opération ou tout est stérilisé ». Et pourtant, « nous ne pouvons pas vivre asphyxiés par une culture aseptisée ».
Dans le même sens, il a mis en garde contre les « idéologies abstraites de musée ou de laboratoire ». Cela relève des colonisations « idéologiques » qui vont à l’encontre de « l’expression spontanée » du peuple. « L’idéologie nous fait perdre notre identité, (…) le peuple est souverain dans ses expressions, art, culture et sagesse », a-t-il détaillé. (...)
– Le pape François aux nouveaux évêques : ’Fuyez le cléricalisme’
Le pape François a appelé samedi des dizaines de nouveaux évêques de "terres de mission" à rejeter le cléricalisme - la tentation du clergé de dominer la vie publique et politique -, cause à ses yeux de tous les abus.
"Chers frères, fuyez le cléricalisme. Dire non aux abus, qu’ils soient de pouvoir, de conscience ou de tout autre type, signifie dire non avec force à toute forme de cléricalisme", a déclaré le pape en recevant 74 nouveaux évêques venus essentiellement d’Afrique mais aussi d’Asie, d’Océanie et d’Amérique latine.
Ces évêques participent à une formation de deux semaines qui fait une place importante à la lutte contre la pédophilie, alors que l’Eglise n’en finit plus d’être secouée par de nouveaux scandales de prêtres pédophiles couverts par leur hiérarchie au nom de la protection de l’institution.
La tentation de se comporter comme des "princes"
Le programme de la formation prévoit ainsi une intervention de Mgr Charles Scicluna, l’archevêque de Malte que François avait envoyé en début d’année enquêter sur les scandales de pédophilie au Chili, et du père Hans Zollner, directeur du Centre pour la protection des mineurs à Rome. Sans s’étendre sur ces thèmes, le pape a appelé les nouveaux évêques à résister à la tentation de se comporter en "princes" ou en "patrons" dans leur diocèse. (...)
En 2018 :