
En quelques jours, c’est devenu la principale revendication portée par de nombreux groupes de gilets jaunes, à tel point qu’une banderole « Le RIC sinon rien !!! Nous ne lâcherons pas !!! » a pris la tête de la manifestation tourangelle du 15 décembre.
Le sujet, repris par de très nombreux médias, a largement éclipsé les revendications sociales qui avaient pu émerger au cours des semaines précédentes : hausse du SMIC, des minimas sociaux, rétablissement de l’ISF, etc. L’enjeu serait de répondre au « malaise démocratique » en rendant au peuple sa souveraineté.
Cette revendication constitue un recul dans l’évolution du mouvement, au sein duquel semblait se dessiner un clivage de classe, entre d’une part les galériens des ronds points qui réclamaient plus de services publics et alertaient sur leur impossibilité de finir le mois, et d’autre part celles et ceux qui protestaient uniquement contre les « charges » et les « taxes ». (...)
Pourtant, comme le rappelle le site 19h17.info, les référendums sont avant tout le terrain de jeu des politiciens, même quand ils sont « d’initiative citoyenne » :
Qui a les moyens de faire des campagnes électorales ? Qui peut débourser des millions pour tout cela ? A une heure ou l’argent n’a jamais été aussi important dans le processus de réunions des suffrages, ou ce sont des milliardaires qui gagnent les élections, qui peut croire qu’une campagne électorale est le lieu ou les exploités, les galériens vont se faire entendre ?
Les référendums sont avant tout de grands moments de propagande, et la propagande a un coût (...)
Le référendum à l’heure des algorithmes
Comme l’explique ce billet de blog intitulé Après avoir Liké, les gilets jaunes vont-ils voter ?, la structuration du mouvement des gilets jaunes autour de groupes Facebook a offert au réseau social américain une quantité faramineuse de données sur les goûts, dégoûts et préférences politiques des participant-es au mouvement. Or, Facebook n’est pas un espace désintéressé d’élaboration politique, mais une entreprise privée dont la finalité est le profit. (...)
Comme l’explique l’auteur de l’article, Facebook sera donc en capacité de « vendre » les données collectées à tel ou tel parti politique dans le cadre de n’importe quelle élection — ou référendum, donc. (...)
La souveraineté populaire, entendue comme l’exercice du pouvoir par le peuple, c’est bien [1]. Mais à l’heure où les opinions sont manipulées par des organes de propagande qui inondent les réseaux de fausses informations, de posts sponsorisés et de publicités ciblées, il convient de prendre un peu de recul et de réfléchir aux modalités d’exercice de cette souveraineté.
Le référendum et l’extrême-droite
L’idée du RIC est portée depuis de nombreuses années par Etienne Chouard, prof d’éco-gestion qui s’est fait connaître en 2005 au moment du référendum sur le projet de traité constitutionnel européen (...)
Le référendum de 2005, qui a vu la victoire du « non » ignorée par les autorités françaises via la ratification, deux ans plus tard, du traité de Lisbonne qui contenait les mêmes dispositions, a été lu par de nombreuses personnes comme exemplaire de la perte de souveraineté des peuples face aux institutions européennes. (...)
Depuis, le référendum d’initiative populaire/citoyenne a fait son apparition dans les programmes d’un certain nombre de partis politiques, de l’UPR au FN en passant par Debout la France, comme un moyen de rendre sa souveraineté au « peuple français », qui en serait dépossédé (notamment) par l’Union européenne. C’est oublier un peu vite que les instances européennes sont composées des représentant-es des États qui composent l’UE : elle n’est pas un organe hors sol, ou une puissance étrangère, mais un espace de pouvoir des représentants des bourgeoisies nationales.
Il faut aussi noter que les partis d’extrême-droite ont une forte tendance à utiliser les outils référendaires pour avancer un agenda politique raciste (...)
Le référendum et les urnes
Le RIC, comme les élections de représentants, c’est avant tout un bulletin de vote dans une urne. C’est-à-dire l’abandon d’une puissance collective au profit d’une démarche individuelle. Et l’exclusion du champ politique des personnes qui n’ont pas la nationalité française. Le RIC n’est pas une solution à la crise de la représentation qu’on constate à chaque nouvelle élection (...)
Et n’abandonnons pas le combat politique dès la sortie de l’isoloir : dans nos quartiers, nos boîtes, et pourquoi pas sur les ronds-points, organisons-nous et combattons pied à pied pour la maîtrise de nos vies.