Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Laurent Mucchielli
Le retour régulier de la biologisation de l’intelligence et de la réussite scolaire
Article mis en ligne le 23 mai 2018

L’intelligence et la réussite scolaire sont-elles déterminées génétiquement ? Des recherches menées en génétique comportementale semblent abonder en ce sens, avec une héritabilité qui avoisinerait les 50 %. A la suite de ces résultats, Laurent Alexandre, président de l’entreprise DNAVision et chroniqueur au Monde supplément « Science et médecine..., a cru pertinent d’affirmer dans un hebdomadaire que « ce n’est pas parce qu’il y a des livres dans les bibliothèques des bourgeois que leurs enfants sont de bons lecteurs, c’est parce qu’ils ont reçu un bon patrimoine génétique », et que Bourdieu avait donc eu tort de nier l’importance de la génétique (ce qu’il n’a au demeurant jamais fait). Postulat (plus que) contestable.

Et Bourdieu dans tout ça ?

(...) A une époque où l’on met en avant l’épigénétique et la plasticité cérébrale, prétendre quantifier de façon aussi simpliste la part qui revient à la génétique et celle qui revient au social est critiquable, comme cela a été à juste titre relevé par un collectif de chercheurs dans une tribune récente. Mais même en partant du postulat contestable que l’intelligence est effectivement déterminée à 50% par la génétique, la carte blanche que certains voudraient donner aux neuroscientifiques et généticiens au détriment des chercheurs en sciences sociales ne se justifie pas d’un point de vue strictement scientifique. (...)

Puisque Laurent Alexandre semble souhaiter le lancement d’un programme de politique publique, le seul possible consisterait donc à dépister, grâce à un examen standardisé, les individus présentant les polymorphismes génétiques statistiquement corrélés à des difficultés d’apprentissage. Bien sûr, l’accompagnement de ces personnes pourra par la suite être individualisé, mais l’individu sera stigmatisé et ramené à ces quelques facteurs de risque méta-individuels. Quant à celui qui aura la chance d’avoir hérité des bons polymorphismes génétiques, on l’exclura des programmes d’accompagnement quand bien même son environnement familial serait peu propice à l’apprentissage.

Ce n’est pas à dire qu’il convient de ne rien faire, bien au contraire. Mais si la réussite scolaire est effectivement déterminée pour une moitié par des facteurs génétiques et neurologiques, et pour une autre moitié par des variables sociales, alors distribuons les ressources de façon équitable, en attribuant aux différentes communautés de chercheurs des moyens à la hauteur de l’importance des facteurs qu’ils étudient : 50% aux chercheurs en neurosciences et génétique, 50% aux chercheurs en sciences sociales. Toute autre répartition qui ne serait pas fondée scientifiquement se ferait au détriment du progrès social et cognitif.