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Jean-Marie Harribey pour Alternatives Economiques
Le sens de la cotisation sociale
Article mis en ligne le 24 août 2014
dernière modification le 19 août 2014

La décision du Conseil constitutionnel du 6 août dernier d’invalider l’allègement des cotisations salariales jusqu’à 1,3 fois le Smic, prévu par le gouvernement dans le cadre de son « Pacte de responsabilité et de solidarité », est l’occasion de revenir sur ce qu’est la cotisation sociale. Le Conseil s’est fondé sur des distinctions dont la subtilité échappe à toute rigueur économique ou même juridique.

Cotisation et cotisation : qui paie quoi ?

En invalidant les allègements prévus sur les cotisations dites salariales, tout en validant ceux portant sur les cotisations dites patronales, le Conseil constitutionnel conforte ce qui constitue un tour de passe-passe très ancien puisqu’il date quasiment de l’invention de la Sécurité sociale. Cette distinction entre ces deux types de cotisation n’a aucune justification économique. Pas seulement, comme le disent beaucoup de commentateurs, parce que le « coût salarial » ou « coût du travail » est la somme du salaire net et de toutes les cotisations. Pas seulement non plus, comme le soutiennent à juste titre la plupart des défenseurs de la cotisation, parce que la cotisation sociale dans son ensemble représente la part socialisée du salaire ou encore le salaire dit indirect. Mais aussi et surtout parce que cette distinction entre deux prétendus types de cotisation masque le fait que c’est le travail qui « paie » toute la cotisation, l’ensemble du « coût salarial » étant un morceau de la valeur ajoutée par le travail.

En d’autres termes, c’est le travail qui « paie » toujours tout ; le capital ne « paie » rien, tout au plus peut-on dire qu’il fait des avances. Au sens propre, dès l’instant où le travail produit et où le capital réussit à vendre cette production, le capital n’a aucune « charge », il n’engrange qu’une plus ou moins grande plus-value. On voit donc que cette distinction entre deux prétendus types de cotisation n’a qu’une portée idéologique : laisser croire que les travailleurs paient seulement la cotisation dite salariale. (...)

Contributivité ou redistribution ?

Il est un deuxième problème que la décision du Conseil constitutionnel ravive. Sa décision serait motivée par le fait que les allègements de cotisations salariales sur les bas salaires rompraient l’égalité entre les contributeurs à la Sécurité sociale que sont les salariés. Ce qui fonde, dans le système français de financement de la protection sociale, la différence entre la cotisation et l’impôt, c’est que la première est considérée comme « contributive », c’est-à-dire qu’elle ouvre des droits à prestations (ainsi, droit à la retraite, droit à l’assurance malade) en principe proportionnels, tandis que l’impôt n’ouvre pas de tels droits. Mais il s’agit là largement d’une argutie, pour plusieurs raisons.

D’abord, certaines cotisations ouvrent des droits qui leur sont proportionnels : par exemple, la retraite ; les femmes en savent quelque chose, dont les pensions sont en moyenne inférieures à celles des hommes. Mais, même les pensions de retraite sont pour une part non contributives à travers les pensions de reversion au conjoint survivant. D’autres cotisations ouvrent des droits totalement détachés du montant des cotisations : par exemple, les prestations santé ne dépendent pas du montant des cotisations de l’assuré, et ses enfants en bénéficient, quel que soit le montant de ses contisations.

Ensuite, la notion de contributivité serait mieux employée si elle portait sur la relation entre la cotisation et le salaire : plus le salaire est élevé, plus la cotisation est élevée avec un taux identique. Mais, pas de chance, il existe un « plafond » dit de la Sécurité sociale qui introduit une dégressivité dans la « contributivité ». (...)

depuis plus de vingt ans maintenant, la politique de l’emploi des gouvernements a consisté à alléger constamment les cotisations patronales, avec l’aval du Conseil constitutionnel, au motif implicite que les cotisations dites patronales n’ouvrent pas des droits à des prestations spécifiques pour les employeurs. Mais, si la distinction entre les deux prétendus types de cotisation est oiseuse, la légitimation implicite des allègements de cotisations patronales par le Conseil constitutionnel tombe. Au lieu de favoriser l’emploi, cette politique a conduit à l’effet inverse : améliorer la situation du capital. (...)

Il reste un troisième problème qui promet de belles empoignades sociales, politiques et juridiques. Qu’est-ce que la contribution sociale généralisée (CSG) ? Elle est ambivalente, voire bâtarde.[1] Elle finance l’assurance maladie et a remplacé les cotisations sociales salariales. Mais elle est considérée comme un impôt, avec une assiette beaucoup plus large que la cotisation sociale, notamment en incluant les revenus du capital, donc n’ouvrant pas à des droits automatiques. (...)

Les gouvernements Ayrault et Valls ont préféré accorder des cadeaux fiscaux et sociaux aux entreprises et à leurs propriétaires plutôt que réussir au moins une chose en cinq ans : redonner sa plénitude à la fiscalité progressive, un siècle après l’invention de l’impôt sur le revenu.[2]