
L’entêtement du gouvernement à vouloir construire un aéroport à Notre-Dame-des-Landes s’explique aussi par la nécessité d’honorer une concession accordée à Vinci, multinationale édifiée aux dépens de l’Etat français. Archétype du prédateur de marchés publics, le géant du bâtiment joue sur deux tableaux pour engranger les profits : le rapide retour sur investissement de son activité de construction et les rentes de gestion à long terme.
(...) Dans ce type de contrat, les pouvoirs publics confient à la société concessionnaire le soin de financer et de réaliser de gros chantiers de construction ou de génie civil ; en échange, elle reçoit un montant forfaitaire ou peut se rémunérer pendant une durée contractuelle grâce aux recettes d’exploitation de l’ouvrage.
Les chantiers permettent une rotation courte du capital — quelques années —, quand les concessions jouent sur des durées de trente à soixante-dix ans pour gérer des équipements que le groupe a souvent conçus et réalisés, compensant les aléas des activités du bâtiment et des travaux publics (BTP). Ainsi, même si les nouveaux contrats ont été moins nombreux en 2014, la marge opérationnelle de Vinci a continué de grimper, dopée par la hausse de l’apport des concessions : celles-ci ne représentaient alors que 15 % du chiffre d’affaires (et 3,6 % des effectifs), mais contribuaient à près de 60 % du résultat d’exploitation.
Avec son nom à consonance latine — à la mode pour les multinationales —, Vinci est né en 2000 de mariages stratégiques, de fusions et de concentrations capitalistiques de sociétés du BTP, et est rapidement devenu un mastodonte du secteur. Ce nouveau nom permettait de faire oublier ceux de marchands d’eau (Lyonnaise des eaux) ou d’entreprises de travaux publics (GTM, Dumez) entachés par les affaires de corruption des années 1990. Seuls trois groupes chinois dépassent aujourd’hui la multinationale française, championne du CAC 40. Son appétit n’a pas faibli après la phase de constitution de l’empire. Et lors du rachat aux Qataris, en 2009, de la Cegelec — géant industriel de l’ingénierie technique et des services technologiques aux entreprises et aux collectivités, 25 000 salariés dans le monde —, un arrangement a laissé une place au capital (5,78 %) à Qatari Diar, qui est ainsi devenu le deuxième actionnaire de Vinci.
La multinationale est en fait un assemblage de 2 100 entreprises, parmi lesquelles quelques grands noms et une nuée de petites sociétés. (...)
Les concessions des autoroutes françaises, que Vinci n’a pas eu à construire, comptent sans conteste parmi les affaires les plus juteuses du groupe (1). Les péages de l’A7 entre Lyon et Marseille ou de l’A89 entre Bordeaux et Lyon lui ont été servis sur un plateau en mars 2001, lorsque le ministre de l’économie Laurent Fabius a ouvert 49 % du capital d’Autoroutes du Sud de la France, puis lorsque le gouvernement de M. Dominique de Villepin a décidé la vente totale de la société, en mars 2006. Par la suite, selon un rapport de l’Autorité de la concurrence publié en septembre 2014, Vinci a aligné des marges nettes comprises entre 17 % et 30 % (2004-2013). Ces profits dépassent ceux d’Eiffage et d’Abertis, deux autres sociétés gérant les autoroutes françaises. (...)
Ces bénéfices sans équivalent expliquent le lobbying intense mené depuis des années pour obtenir des allongements de la durée des concessions : chaque année gagnée assure des bonus à deux chiffres (jusqu’à 30 %) dont se délectent les actionnaires. (...)