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Le suicide relève aussi du fait social
Article mis en ligne le 13 mars 2013

Réagissant au suicide de Djamal Chaar le 13 février devant une agence Pôle emploi de Nantes, le président socialiste François Hollande a dès le lendemain renvoyé l’acte à un "drame personnel". La perte d’emploi, l’expérience du chômage et de l’instabilité constituent effectivement une profonde remise en cause individuelle, quels que soient la situation professionnelle antérieure et le milieu considéré.

Le travail constitue toujours dans notre société la principale source de reconnaissance, le perdre fait courir le risque de l’inexistence sociale. Est-ce prendre toute la mesure du sens donné à l’immolation publique de Djamal Chaar que de rapporter son suicide à une fragilité intime ou psychologique ?

Le suicide est un phénomène que les sociologues éclairent à leur mesure de longue date. Dès 1897, Emile Durkheim démontrait que sa récurrence statistique "varie en raison inverse du degré d’intégration des groupes sociaux dont fait partie l’individu".

De nombreuses recherches confirment régulièrement ces constats : le taux de suicide dans une société est au plus bas en situation de croissance économique et de développement des infrastructures de protection sociale (comme entre 1945 et 1975) ; ce sont les exploitants agricoles (et parmi eux ceux à la tête des exploitations les plus fragilisées), les ouvriers et les employés qui, alternativement selon les périodes, sont les catégories socioprofessionnelles les plus touchées par le phénomène.

Au-delà des drames individuels qui émergent régulièrement dans l’espace public, nous ne pouvons ignorer que le suicide est un fait social. Car face à la crise économique, mêlée à la remise en question de l’Etat social, c’est bien la question de l’intégration sociale des membres les plus fragilisés des classes populaires qui est posée. (...)

La question de l’égalité, des droits et devoirs de chacun – en un mot de la justice sociale – est une question qui taraude ceux qui ne disposent que de faibles capitaux économiques et culturels. En milieu populaire, tout écart à la norme va souvent de pair avec une possible mise à l’écart du groupe d’amis, de parents ou de voisinage. (...)

Même si elles sont de moins en moins représentées dans l’espace public, les classes populaires continuent de structurer fortement la société française contemporaine  : d’après l’Insee, plus d’un actif sur deux est aujourd’hui ouvrier ou employé.

Renvoyer la détérioration de leur condition à des "drames personnels" ne peut suffire à masquer le déficit croissant d’intégration sociale de leurs fractions les plus précaires. Ce déficit ne tient pas que de l’état critique de la conjoncture économique actuelle, il est aussi pour partie lié aux mutations de l’Etat et aux types de politiques publiques menées depuis plusieurs décennies.