
Pour bien comprendre le syndrome d’hypnose capitaliste il est utile de bien comprendre sa sœur jumelle qui errait entre les lignes de front de la première guerre mondiale et qu’on désignait comme “hypnose des batailles”.
Lors des offensives françaises de 14-18, des soldats emportés dans la tourmente des combats se retrouvaient au centre d’un chaos indescriptible, les obus explosaient, les balles sifflaient, les corps amis ou inconnus volaient autour d’eux démembrés, les yeux, les oreilles saturés d’une réalité abominable à laquelle la conscience n’était pas préparée. Certains soldats perdaient alors pied et développaient l’hypnose des batailles au milieu des combats. Ils pouvaient alors errer hébétés, chantant ou riant, sans orientation… Cette perte de la raison, du sens commun, et surtout du sens de la guerre, cette “hypnose des batailles” fut parfois considérée comme un refus volontaire de combattre et valut à certains soldats d’être condamnés à mort en conseil de guerre et envoyés au peloton d’exécution pour être fusillés par leur propre régiment sous la visée de fusils souvent amis.
L’hypnose des batailles pouvait perdurer quelquefois après la guerre sous forme de névrose, ou s’en aller avec le temps grâce aux traitements de l’époque.
Pourquoi donc faire un parallèle entre “l’hypnose des batailles” et sa sœur désignée comme “l’hypnose capitaliste” ?
Maintenant que nous sommes remontés à la racine du syndrome, nous allons commencer à comprendre que les tableaux ont des points communs.
Souvenons-nous des soldats partant la fleur au fusil, sous les hourras du peuple, dans des halls de gare bondés et des trains chargés jusqu’à la gueule de cette chair à canon joyeuse. Il est question alors d’une conscience toute orientée par des croyances communes, orchestrée par un modèle politique, médiatique et culturel dominant auquel personne ne songerait de se détourner.
La norme c’est la guerre. La promesse c’est la victoire. Le moyen c’est la chair humaine.
Pourtant avec un soupçon de conscience, peut-on se réjouir de la guerre ? Comment ne pas imaginer que l’ennemi lui aussi, vit de la promesse dans la victoire. Or la guerre est toujours triste et la victoire jamais acquise, et dans toutes les hypothèses jamais pour les deux protagonistes à la fois. Le travail culturel est donc passé par là pour nettoyer le chemin vers la guerre.
Voici les liens qui apparaissent entre le champ de bataille boueux et un capitalisme tout aussi crasseux.
La norme c’est la guerre économique, la promesse c’est la victoire, le moyen c’est nous. (...)
La vie et l’espoir sont absents au milieu du chaos de la guerre économique et ni la promesse et ni la croyance en demain ne tiennent la route lorsque le piège capitaliste se referme sur celui qui n’en fait plus partie. Absent à soi-même au milieu du champ de bataille économique, le chaos comme seule référence existentielle.
L’hypnose capitaliste c’est le moment de prise de conscience, puis de la perte de conscience devant le désastre de ce à quoi nous avons participé. Ce désastre nous apparaît malheureusement que lorsque nous sommes touchés directement, ce moment où nous sommes exclus de la norme du travail et de la consommation. Ce moment où sans argent et devant le désastre, la promesse ne tient plus et l’avenir balayé. (...)
ce qu’il faut bien comprendre maintenant c’est que les dogmes et obsessions humaines n’auront bientôt plus cours. Que l’activité et la folie des hommes ne tournent plus maintenant sur elles-mêmes comme en 14-18. L’histoire de l’humanité ne s’écrit plus uniquement entre humains au travers de la guerre, avec des obus ou de l’argent.
Non, le temps actuel est un temps nouveau et inédit pour l’humanité ou la guerre économique des hommes a appelé un combattant bien plus fort que lui et que sa culture. Ce combattant pourra tout effacer de lui un jour de grand déséquilibre et le ramener à l’état d’animal errant pour partager ce qu’il refuse de réaliser, la vie tout simplement.
La Terre ne pourra supporter encore bien longtemps la guerre que nous lui faisons et qui prend maintenant un tour tragique. Les déséquilibres réels dans la biosphère, dans l’eau et dans l’air ne sont pas des spectacles de divertissement pour nos écrans et nos consciences consuméristes. Il est question de notre cadre de vie, le cadre réel de nos existences au moment où nous quittons les écrans des yeux pour vivre pour de vrai.
Sur le champ de bataille les soldats sont liés à des croyances que d’autres ont forgées, ces autres humains qui dirigent existent pour forcer la marche et faire obéir jusqu’au néant, jusqu’à la limite du supportable, jusqu’à l’hypnose des batailles.
La bataille contre la nature est d’un autre ordre, car c’est la nature en dernier recours qui forme les ordres, et ses ordres sont les mêmes depuis toujours, ceux qui permettent à la vie de demeurer et de se répandre depuis la nuit des temps. Qui peut discuter devant la vague de 10 mètres de haut, pas même une centrale nucléaire ? Qui peut parlementer avec des vents de 200km/h ? A quoi sert de voter si la couche atmosphérique est trop fine pour nous protéger du soleil durablement nous promettant un cancer de la peau mondial ou des rayonnements que nos organes internes ne pourraient supporter ? Quel aveuglement absurde. (...)
Après des milliers d’années d’évolution, l’humanité s’apprête à quitter l’histoire en une petite centaine d’années à peine. Le ridicule existe, nous vivons en son cœur et c’est le capitalisme technologique qui en écrit le dictionnaire abominable et créatif. (...)
Projetons le nouveau champ de bataille et que voyons-nous ? Des robots, mais pour se battre contre qui ? Contre d’autres robots ? Pour finir immanquablement à nouveau dans la boucherie commune faute de robot.
Pourtant la question à résoudre depuis la nuit des temps reste inchangée : Pourquoi donc s’entretuer ? Car la destruction de la planète ou de l’humanité reste profitable. Faut-il en rire tant c’est amoral et cynique ?
La bataille économique prend la même tournure, et sur le champ de bataille sont entrés les robots. Les usines robotisées rivalisent pour gagner en vitesse, en productivité, mais pour quoi faire s’il n’y a plus de clients ? Les clients étant ceux-là même qui travaillaient pour gagner de quoi consommer comme Ford l’avait bien compris.
La question que nous devrions donc tous nous poser est : Pourquoi et pour qui travaillons nous ? Le microcosme élitiste mondial a-t-il encore besoin de travailleurs finalement ? Probablement que non, les robots suffiront.
Enfin, puisque rien n’arrête la destruction par la technique de notre planète et de notre humanité tout le monde sera en danger assez rapidement maintenant pour simplement se maintenir en vie ou manger à sa faim. (...)
A défaut de supporter la vie plus longtemps les transhumains inventent la non-vie de demain sur une planète humainement invivable mais transhumainement supportable.
J’aimerais dire à cette élite qui depuis toujours a perdu l’entendement et qui possède maintenant les moyens du délire parfait à l’échelle du monde que leur hypothèse ne fonctionnera pas pour les mêmes raisons que la guerre contre la nature ne fonctionne pas. Les transhumains sont à l’image des OGM, un délire dangereux. (...)
Quoi faire ? A défaut d’une œuvre politique collective, d’une nouvelle culture inspirée et reliée à la vie qui viendrait en lieu et place du capitalisme, il nous reste la possibilité de ne plus participer personnellement à la méga-machine industrielle et technologique. (...)
Courage.
Refusons de consommer, refusons d’acheter, refusons l’usage de la monnaie bancaire au service du capital et de l’industrie, refusons au maximum les produits industriels et technologiques, entamons l’atterrissage vers une vie simplifiée, locale, reliée les uns aux autres par le choix et non par la norme. Ne remplaçons plus, réparons, faisons de peu. Revenons à la vie réelle. Consommons peu et peu d’énergie. Développons le zéro déchet comme trajectoire et comme indicateur de respect de la vie. Cultivons nous, apprenons des grands penseurs humanistes et reliés à la vie, produisons la nouvelle culture commune vivante, indépendante du capital, reliée les uns aux autres et au vivant.
Relions nous pour le meilleur puisque le pire nous le connaissons déjà pour peu qu’on ouvre les yeux sur le champ de bataille économique tel qu’il est, façonné par l’idéal capitaliste et son élite internationale profiteuse, amorale et finalement inhumaine.
A défaut de refaire le monde, abandonnons-le pour nous retrouver autour d’un feu, les yeux dans les yeux et l’âme au cœur de la vie.