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Les Cireurs De Souliers De Jean Sarkozy
Article mis en ligne le 19 avril 2014

Les révélations sur Aquilino Morelle, le conseiller de François Hollande qui se faisait reluire les tatanes à l’Elysée avant de démissionner, ont remis au goût du jour un vieux métier que l’on croyait disparu. À la faveur de la crise, les « bullshit jobs » sont en train de réapparaître, et pas seulement dans les rues d’Athènes ou de Madrid. Le cireur de chaussures du « petit marquis » socialiste appartient à une enseigne qui offre ses services dans les beaux quartiers parisiens et entre les tours de la Défense. Avec le soutien enthousiaste du Conseil général des Hauts-de-Seine, qui a versé 50 000 euros à cette entreprise proclamée « sociale et solidaire ».

L’idée ne vient pas à tout le monde, de se caler sur une chaise haute et de se faire briller les tatanes, même au CNIT de la Défense. Les cols blancs et les costumes griffés qui cavalent entre bouche du RER, boutiques tape à l’œil et plateformes de bureaux forment comme un tourbillon autour de Mathieu, qui s’ennuie à bloc juste en face du guichet d’information. Personne ne paraît le remarquer, c’est pourtant un personnage rare : le premier cireur de chaussures à avoir jamais étrenné le quartier d’affaires le plus couru de la région parisienne.

Un journaliste qui a spécialement enfilé ses Doc Marten’s vient s’affaler dans le siège à sa disposition. C’est un fauteuil confortable, très légèrement surélevé, conçu pour atténuer l’écart entre le cireur et son client, de façon à ne pas ranimer trop brutalement l’imagerie néo-esclavagiste du maître surplombant le gagne-petit courbé à ses pieds. Sage précaution. Le « décrotteur » qui officiait dans les rues bourbeuses du Paris de l’Ancien régime est peut-être oublié, pas son pendant afro-américain. L’inconscient collectif associé au cireur de souliers pourrait dissuader les âmes sensibles de recourir aux services de Mathieu, d’autant plus que celui-ci a la peau noire. Justement, le client lui avoue se sentir « un peu mal à l’aise ». « C’est parce que je suis noir, peut-être ? Vous en faites pas, ça va bien se passer », réplique le cireur dans un sourire, avant de s’attaquer d’un geste vif et précis à nos godillots. (...)