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blogs rue 89
Les Roms ou la nouvelle question juive
Le blog de Noël Mamère.
Article mis en ligne le 30 juillet 2013

A chaque semaine, sa crise identitaire. La révolte de Trappes contre la loi sur la burqa à peine finie, l’affaire Bourdouleix éclate, remettant la question rom au centre du débat public. Sous sa forme la plus odieuse, l’obsession de l’Autre revient tarauder la société française en plein cœur.

Le sieur Bourdouleix, député et maire de Cholet, une ville moyenne de la France profonde, s’est donc illustré en brisant le dernier tabou avec cette « banalité » abjecte : « Comme quoi, Hitler n’en a peut-être pas tué assez »…

Il fallait oser, le maire de Cholet l’a fait. Mais sa phrase à l’emporte-pièce n’est que l’arbre qui cache la forêt. Depuis le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, les Roms sont en tête du top ten du racisme dans notre douce France. La droite comme la gauche, dans des styles différents, en font les boucs émissaires de leur incapacité à gérer notre vivre ensemble.

A droite, pas de souci moral autre que celui du « pain au chocolat », la référence chère à Jean-François Copé. D’abord l’amalgame : tous les gens du voyage, qu’ils soient roms, manouches, tziganes, yéniches, gitans, sinté (nomades français, allemands ou italiens) sont logés à la même enseigne, sans distinction. Tous étaient naguère des Bohémiens, tous sont maintenant des Roms (en français, « hommes »), donc une sorte de peuple venu des ténèbres de la Roumanie profonde.

Ce racisme « ciblé » réduit à une seule origine ethnique une catégorie de la population qui n’a pourtant que le nomadisme comme seul point commun et qui pâtit en plus de l’utilisation des poncifs à haute dose, (...)

Quant à la gauche, elle n’est pas en reste de dérapages verbaux, notamment chez des élus radicaux de gauche ou socialistes. Mais ce qui inquiète le plus, c’est bien la politique de Manuel Valls qui ressemble furieusement à celle de Nicolas Sarkozy.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les expulsions des campements dits « sauvages » sont près de deux fois plus nombreux que sous Sarkozy. Dès son arrivée au ministère de l’Intérieur, Manuel Valls en a fait le marqueur de son action, notamment lors de l’expulsion de Lille à l’automne dernier. Sous prétexte de faire respecter l’Etat de droit, il présente les camps de Roms comme des zones de non-droit, sans rien dire sur les élus qui ne respectent pas la législation sur les aires de caravanes.

En utilisant la justice comme arme de sa politique à deux vitesses, il installe dans l’opinion de la gauche et des démocrates l’idée que les Roms sont une catégorie de la population à mettre au ban de la société. (...)

Qu’il soit instrumentalisé par la droite ou par la gauche, cet apartheid qui ne dit pas son nom concentre tous les ingrédients du racisme : les Roms deviennent un peuple démonisé dans l’imaginaire collectif, un peu à la manière des Juifs avant guerre. Comme pour les Juifs, qui venaient eux aussi d’Europe de l’Est (Allemagne, Pologne, Roumanie, Russie, Ukraine), la thématique du peuple réputé dangereux, ayant un mode de vie inassimilable, est largement utilisée.

Comme pour les Juifs, les qualificatifs utilisés en termes de description physique et mentale, d’apparence, sont ignominieux.

Comme pour les Juifs, c’est surtout leur mode de vie qui alimente le racisme dont ils sont victimes. Les Juifs habitaient dans des ghettos construits dès le Moyen Age, pour les isoler du reste de la population ; ils étaient assignés à certains types de travaux, ils ne pratiquaient pas la même religion que l’immense majorité des Français…

Aujourd’hui, alors que la sédentarisation est devenue la règle, la pratique assumée du nomadisme apparaît comme une hérésie. Cachez ces roulottes que je ne saurais voir. L’espace privé est considéré comme la norme absolue. (...)

La République française, qui se réclame de l’universalisme, a pourtant créé dans son histoire nombre de situations d’exceptions permanentes : le code de l’indigénat, le statut des Juifs, les camps de rétention, le carnet des Roms… A l’intérieur de notre République, ces situations relèguent des catégories particulières de citoyens. Il faut dénoncer et combattre cette exclusion à domicile. (...)

Si les élus et les médiateurs de toutes sortes ont un rôle, c’est justement celui de permettre la coexistence de modes de vie, d’habitat et de consommation différents. La communauté nationale ne se différencie pas en fonction de l’origine, du sexe, du milieu social, du type d’habitat, de ses choix de vie… L’égalité suppose la reconnaissance des différences.

Je sais que ce discours est difficile à entendre, surtout dans les quartiers populaires qui concentrent les inégalités et les injustices de toute nature, mais c’est le seul qui peut fonctionner comme principe pour la gauche. Notre écosystème humain dans la ville est riche de notre diversité. Si on veut faire disparaître une partie de ses composantes, on affaiblit l’ensemble.

La visibilité des gens du voyage pose problème ? Tant mieux. Je refuse une société où le principe de la séparation triompherait, une ville à trois vitesses, des ghettos de riches, de bobos, de pauvres qui se referment sur eux-mêmes. L’existence d’une population mobile par définition nous oblige à réfléchir sur ce cloisonnement mortifère. La « gentrification » de nos villes implique la négation des modes de vie qui ne se plient pas à ces nouvelles règles de l’urbanisation capitaliste. (...)