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Les autochtones brésiliens accusent les multinationales d’incendier l’Amazonie
Article mis en ligne le 20 novembre 2019

C’est une rencontre inespérée entre deux mondes que tout oppose. Elizeu Guarani représente l’un des peuples autochtones brésiliens qui a le plus souffert de la violence perpétrée par l’agrobusiness. Il a remis mardi 12 novembre une lettre à Bertrand Cizeau, directeur de la communication du groupe BNP Paribas et responsable adjoint de l’engagement d’entreprise, une direction créée en septembre 2017 pour une « prise en compte des enjeux sociétaux et environnementaux à toutes les étapes de ses décisions opérationnelles ». Cette rencontre a eu lieu dans le cadre d’une campagne européenne organisée par l’Articulation des peuples autochtones du Brésil (l’APIB) nommé « Sang Autochtone : pas une goutte de plus », avec une halte parisienne du 10 au 13 novembre.

L’objectif, comme le représentant autochtone le dit au haut-parleur avant de remettre la lettre à Bertrand Cizeau, est de dénoncer « les trois milliards d’euros investis par la banque dans le soja brésilien » et la complicité du groupe dans « notre génocide au Brésil ».

« La banque qui dit financer l’environnement détruit nos terres, nos vies, nos fleuves, nos forêts », déplore-t-il face à Bertrand Cizeau. « Avant de vous délivrer cette lettre, j’aimerais souligner que nous sommes ici en tant que représentants de tous les peuples du Brésil. Nous ne pouvons plus faire face au génocide, aux menaces qui sont financées par la banque. » Une accusation démentie par Bertrand Cizeau, qui estime que « ce n’est pas le cas aujourd’hui pour la BNP Paribas, qui a fait de la finance durable son projet de tous les jours. » (...)

Les invasions de territoires autochtones brésiliens auraient connu une augmentation dramatique en 2019. (...)

Les grosses banques privées joueraient un rôle-clé dans la déforestation

Les attaques auxquelles font face les communautés autochtones brésiliennes sont concomitantes au niveau de déforestation de leur milieu. Selon le nouveau rapport d’Amazon watch, celle-ci a augmentée de 54 % depuis la prise de fonction du président Jair Bolsonaro, en janvier 2019. (...)

Cette expansion de l’agrobusiness brésilien trouve également son origine dans les institutions financières internationales et diverses banques privées. Selon Amazon watch, « les grosses banques et grandes compagnies d’investissements jouent un rôle critique en prêts, assurances et en investissements de capitaux aux compagnies de soja et de bovin », principaux moteurs de la déforestation au Brésil, « constituant à elles seules l’origine de 80% de la déforestation amazonienne ».

Angela Kaxuyana, d’une communauté autochtone dans l’État du Para, dénombre une véritable hécatombe au sein des communautés autochtones brésiliennes. « De la fin 2018 à aujourd’hui, le nombre d’assassinat de défenseurs de la nature est de 136. (...)

La prise de fonction de Bolsonaro aurait donné le feu vert à ces attaques (...)

« Historiquement, le mot progrès a eu comme base l’extermination des peuples autochtones et des peuples noirs »

Que ce soit en Amazonie ou au Cerrado (au sud de l’Amazonie), leurs « terres continuent à brûler, sans réponse de l’État Brésilien » — avec, en septembre, une augmentation de 44 % du taux d’incendie dans cette deuxième région. « L’accord avec le Mercosur va rendre ces chiffres encore plus importants », estime Angela, car « l’exportation de produits sans tarifs va stimuler l’invasion de nos terres ». (...)

Malgré cette responsabilité historique de l’Europe, la représentante autochtone « accueille à bras ouverts toutes les personnes qui ont envie de nous rejoindre – les dirigeants politiques, les leaders religieux, les artistes – qui ont envie de s’unir à notre lutte car nous n’arrivons plus à mener cette bataille seul », estime-t-elle. (...)

Et là il n’y a que deux choix, soit vous êtes du côté du capital, qui fait la promotion du génocide, ou bien vous êtes du côté de ceux qui préservent la vie et l’environnement. » (...)

Un tournant majeur serait cependant à l’œuvre aujourd’hui, selon Kretã, au sein de la jeunesse Européenne. « Pendant ce voyage, nous avons beaucoup appris. En passant par la Belgique, nous avons appris que la jeunesse européenne est très inquiète pour le climat. Les jeunes, comme le mouvement de Greta, qui est encore une jeune fille, s’arrêtent tous les vendredis à l’heure du déjeuner pour manifester pour la planète. Ainsi nous pensons que la jeunesse a mûri dans ce vieux continent. Grâce aux enfants, grâce aux jeunes, grâce aux femmes, ce vieux continent est en voie de mûrissement ». (...)

L’appel de la délégation autochtone à rejoindre leur combat a été entendu par une vingtaine de citoyens et militants mardi 12 novembre dans l’après-midi, devant la Bourse de Paris et les locaux de la BNP Paribas. Pour Geneviève Garrigos, responsable Amériques d’Amnesty France, « combattre le réchauffement climatique, ce n’est pas uniquement protéger la forêt mais aussi, et avant tout, protéger ses défenseurs qui l’habitent depuis des siècles et des siècles. On ne peut qu’appeler toutes les entreprises au Brésil de respecter les droits des peuples indigènes et de la convention internationale ». Un soutien aux communautés autochtones brésiliennes que Béatrice Paul, d’Attac France, propose de traduire, pour commencer, par « des boycotts ou des dénonciations de ce que les multinationales font aux Brésil en ce moment ».