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L’OBS
"Les chômeurs sont vraiment laissés seuls dans leur traumatisme"
" On ne meurt pas parce qu’on se suicide, on se suicide parce qu’on est déjà mort."
Article mis en ligne le 19 janvier 2015
dernière modification le 17 janvier 2015

Alors que l’Inserm vient de confirmer un lien entre chômage et suicide, le psychiatre Michel Debout plaide pour une prise en compte de la santé des chômeurs. Interview.

C’est désormais prouvé. Une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) publiée le 6 janvier établit un lien entre taux de chômage et taux de suicide. Près de 600 suicides en France pourraient ainsi être attribués à la hausse du chômage entre 2008 et 2010.

Ces chiffres officiels viennent confirmer les estimations du psychiatre et professeur de médecine légale Michel Debout. Ce dernier tente de donner l’alerte depuis plusieurs années. Il publie aujourd’hui un ouvrage* dans lequel il formule des propositions pour que le traumatisme du chômage soit pris en compte dans les politiques de santé. Explications.

Le suicide de chômeurs reste heureusement exceptionnel mais l’Inserm vient de confirmer un lien entre taux de chômage et taux de suicide. Un soulagement ?

 Beaucoup ont longtemps douté de cette réalité. Malheureusement, c’était prévisible dès lors qu’on connaissait ce qui c’était passé après la crise de 1929. Des publications avaient montré que, notamment aux Etats-Unis, le nombre de suicides avait augmenté de façon importante dans les années 31-32. Le lien entre l’augmentation du chômage et le risque suicidaire avait été fait dès cette époque.

Vous portez ce sujet depuis 2009. Aviez-vous été entendu ?

 J’avais essayé d’alerter les pouvoirs publics, les acteurs de la santé, du social, sur ce risque d’ajouter à la crise économique une crise sanitaire et humaine. Il fallait être vigilant mais certains responsables, de gauche comme de droite, ont du mal à regarder ce qu’ils n’arrivent pas à corriger. Collectivement, on ne voit pas ce qui nous dérange.

Le suicide n’est-il pas l’expression la plus forte, la plus visible, d’un mal-être des chômeurs beaucoup plus large ?

 Et beaucoup plus diffus. Un mal-être qui se traduit par d’authentiques dépressions, des complications psychosomatiques, des troubles de la santé au sens global du terme. La santé ne se découpe pas en tranches. Quand on va mal dans la tête, on va mal aussi dans son corps. (...)

Dans le débat actuel, le monde de l’entreprise a plus tendance à réclamer une baisse des contraintes qu’à accepter de s’engager dans de nouveaux dispositifs. Comment faire ?

 Moins de contraintes, moins de règles. Et, surtout, une vision du travail d’il y a deux siècles, avec les tacherons, le travail journalier. Certains chefs d’entreprises veulent revenir à un emploi au jour le jour. Exactement le contraire de ce qu’il faut pour permettre à chacun de construire une vie. Construire une vie, c’est pouvoir se projeter dans le lendemain, dans les mois, les années qui viennent. C’est ça vivre humainement.

Le fait traumatique bloque cette possibilité-là. Le traumatisme fige l’espoir. (...)