Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Non-Fiction
Les inégalités dans le monde
L’économiste Branko Milanovic reconstitue l’histoire des inégalités mondiales sur trois décennies, en tire les implications politiques et envisage leur évolution.
Article mis en ligne le 27 mars 2019
dernière modification le 25 mars 2019

Le mouvement des gilets jaunes a remis sur le devant de la scène politique la question des inégalités. Plusieurs publications récentes sont également revenues sur le sujet. Le sociologue François Dubet a analysé la dimension relative et subjective des inégalités avec Le Temps des passions tristes , quand ses confrères les Pinçon-Charlot ont dénoncé la présidence d’Emmanuel Macron comme incarnation d’une politique en faveur des ultra-riches .

Initialement paru en anglais en 2016, Inégalités mondiales de Branko Milanovic apporte le point de vue d’un économiste sur la question.

Ancien économiste à la Banque Mondiale et universitaire d’origine yougoslave, Milanovic conçoit l’économie comme une science sociale. En conséquence, son travail est loin de se résumer à d’arides statistiques, même si les tableaux et graphiques sont légion. (...)

Des inégalités révélatrices de l’histoire mondiale récente

Dans son livre, Milanovic multiplie les va-et-vient entre deux échelles : l’échelle mondiale et celle de l’État-nation, à laquelle il invite à prêter encore une grande attention en dépit de l’impact de la mondialisation. C’est aussi une façon de décomposer le problème, puisque les inégalités mondiales, en termes de revenus, peuvent s’analyser « comme la somme de toutes les inégalités nationales, plus la somme de tous les écarts entre les revenus moyens des différents pays », soit à la fois les inégalités entre pays et au sein des pays.

Une telle étude est désormais possible. En effet, les enquêtes sur les revenus se sont répandues dans les pays du monde entier. (...)

Les inégalités mondiales révèlent la course du monde ces dernières décennies : l’essor d’une partie de l’Asie après la domination de l’Occident. Le propos de Milanovic commence en 1988, soit peu ou prou à la chute du mur de Berlin et à l’orée d’une nouvelle ouverture des échanges (la seconde mondialisation), et va jusqu’en 2008, avec la crise financière. Pendant ces trois décennies, trois phénomènes importants se dégagent : l’émergence d’une « classe moyenne mondiale » principalement asiatique (Chine, Inde), la stagnation des classes moyennes des pays riches et la naissance d’une « ploutocratie mondiale ». (...)

Après avoir détaillé les constats que met en exergue cette représentation, Milanovic se penche sur les facteurs susceptibles d’expliquer l’évolution des inégalités au sein des pays (...)

Cela le conduit à inventorier les forces « néfastes » et « bénéfiques » susceptibles s’agir sur les inégalités : de la guerre à la mise en place d’État-providences ou de politiques fiscales redistributives. Il mobilise ces résultats lorsqu’il imagine dans la dernière partie du livre comment évolueront les inégalités au XXIe siècle.

Lorsqu’il aborde ensuite les inégalités entre pays, Milanovic remarque la fin de la tendance initiée il y a deux cents ans par la révolution industrielle, à savoir un très fort accroissement des écarts de revenus entre pays. Serions-nous entrés dans une phase de convergence économique entre les nations ? Quoiqu’il en soit, l’inflexion que l’on voit poindre mettra longtemps avant d’effacer les écarts en valeur absolue. L’incroyable augmentation de richesse à laquelle a conduit la révolution industrielle dans les pays riches concernés a en effet creusé de manière phénoménale les écarts entre les pays du monde. Ce qui n’est pas sans poser de sérieuses difficultés, soit-dit en passant, au concept d’égalité des chances si l’on veut lui donner une conception géographique élargie.

L’importance toujours très grande du pays de naissance sur les conditions de vie des individus conduit Milanovic à parler de « rente de citoyenneté ». (...)

Sa conclusion prend la forme d’une série de propositions pour réduire les inégalités. Plus qu’une taxation des revenus, prônée par exemple par Piketty, Milanovic invite davantage à se focaliser sur la répartition du patrimoine et le niveau d’éducation. Il se déclare en faveur de la poursuite de la croissance des pays pauvres et de politiques plus favorables en termes d’immigration. (...)

Le début d’un débat mondial autour des inégalités ?

Inégalités mondiales a le grand mérite de souligner les ambivalences de la mondialisation ainsi que le caractère relatif des inégalités et de leurs évolutions. La mondialisation engendre des gagnants et perdants, dans un contexte où les inégalités restent énormes au plan mondial. Ce qui rend assez difficile de penser le monde comme une unité, alors même que des sujets comme les migrations internationales ou le climat nous y invitent fortement. Milanovic offre également une large perspective qui ne se cantonne pas à la pure économie, appuyée sur la solidité de ses données et une grande prudence dans ses analyses. Pour autant, certaines de ses conclusions feront sûrement l’objet de discussions.

Milanovic a ainsi tendance à minorer la contrainte environnementale. (...)