
La sociologie de l’éducation a un passé glorieux. Entre le milieu des années 1960 et la fin des années 1970, une poignée de sociologues français, américains et britanniques de premier plan (Bourdieu et Passeron, Boudon, Coleman, Bell, Bowles et Gintis, Collins, Bernstein, Willis) jettent les bases de la discipline et imposent l’éducation comme une question incontournable pour comprendre les sociétés modernes. C’est aussi sur le terrain de l’école que se mènent alors des débats théoriques majeurs qui agitent la discipline sociologique tout entière.
Rétrospectivement, cette période est présentée dans ce livre collectif dirigé par Jal Mehta (Professeur à l’Université de Harvard) et Scott Davies (Professeur à l’Université de Toronto) comme un âge d’or de la sociologie de l’éducation qui aurait aujourd’hui perdu de sa superbe et de sa capacité d’influence sur la pensée sociologique générale. Les fondateurs étaient de tels géants que leur empreinte sur la discipline perdure et que les spécialistes actuels se contenteraient, pour l’essentiel, de perpétuer de manière relativement routinière les traditions de recherche qu’ils ont inaugurées. Mehta et Davies plaident donc pour un renouvellement de la sociologie de l’éducation. Ce projet se justifie d’autant plus que, comme le suggère également le titre du livre, la société a changé, ainsi que la place occupée par l’éducation et l’école en son sein. (...)
Le mot clé de l’éducation fournie dans les milieux privilégiés est celui d’ « enrichissement » (enrichment) par rapport à ce que l’école fournit ; Aurini et Hillier estiment en fin de compte que c’est par un cumul de petites différences que des écarts profonds finissent par se creuser entre élèves des différents milieux sociaux.
Changer pour mieux reproduire
Une autre cause de reproduction des inégalités, soulignent Aurini et Hillier, elle aussi directement liée aux comportements des parents des classes moyennes et supérieures, tient à la capacité d’adaptation dont ces parents font preuve dans un contexte changeant. Face à l’évolution du marché scolaire et du marché du travail, ces derniers ont transformé leurs pratiques pour correspondre aux circonstances éducatives actuelles. (...)
Le spleen des sociologues de l’éducation et ses conséquences politiques
Le renouvellement et continuel déplacement des inégalités doublé de ce constat d’aggravation des écarts existants est tout sauf réjouissant. La sociologie de l’éducation actuelle, focalisée sur ces questions, serait plutôt déprimante estiment les coordinateurs de l’ouvrage. (...)