
Ça emballe à la chaîne dans les entrepôts du premier site d’e-commerce, Amazon.fr. À chaque clic et commande de cadeaux de Noël, des milliers d’employés, majoritairement des intérimaires, s’activent sur les plateformes logistiques. Des « lutins de Noël » très surveillés, payés au Smic, soumis à des cadences épuisantes, que ce soit aux États-Unis ou en France. Pour le plus grand profit du père Noël milliardaire, Jeff Bezos.
(...) « Ils tuent les gens mentalement et physiquement. » Cette phrase lâchée par un ex-magasinier vise directement l’enseigne Amazon, cette vaste librairie en ligne incontournable pour tout internaute en quête de livre… et de cadeaux de Noël. (...)
Aux cadences infernales s’ajoutent des conditions de travail éprouvantes. À tel point que des auxiliaires médicaux ont été recrutés par Amazon aux États-Unis. Durant les fortes chaleurs d’été, ils se tiennent à proximité des entrepôts de manière à intervenir en cas d’évanouissement ou de malaise d’un employé, relate l’enquête du Morning Call. À peine sortis sur des brancards ou en chaise roulante, les malheureux employés croisent les nouveaux candidats prêts à reprendre leur travail, n’importe quand. « Je ne me suis jamais senti traité comme de la merde dans aucun entrepôt autant que dans celui-là ! Ils peuvent le faire car il n’y a pas d’autre job dans la région » (...)
En France, avec plus de 9 millions de « visiteurs » par mois, Amazon est le premier site de commerce en ligne, devant eBay ou le site de la Fnac, selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad). La plus grande plateforme logistique française de l’entreprise (70 000 m2) se trouve à Saran, en périphérie d’Orléans. En cette veille de fêtes, les cadences y redoublent. Ses effectifs – 400 salariés – sont multipliés par cinq. « Ces dernières semaines, pour faire face aux commandes de fin d’année, ce sont plus de 1 500 intérimaires qui affluent, parfois de loin, en 3x8 et le week-end », témoigne un correspondant du journal Lutte ouvrière. « La plupart des agences d’intérim de l’agglomération orléanaise affichent sur leur vitrine "Urgent : conditionnement" , jusqu’à Pôle emploi qui joue les rabatteurs. Le tract de bienvenue promet une bonne ambiance, le "have fun", pour "vivre au mieux l’expérience Amazon". »
Y travailler réserve quelques surprises. Comme ces fouilles corporelles effectuées par des agents de sécurité, dont le salarié n’a pas été informé, et que des représentants du personnel (syndiqués à la CGT) jugent « abusives ». Comme le vidage obligatoire des casiers réservés aux salariés avant une certaine heure. (...)
Quant au fondateur d’Amazon, l’états-unien Jeff Bezos, tout va bien pour lui. Selon le magazine Forbes, il est la 30e plus grande fortune mondiale avec 19,1 milliards de dollars et un revenu annuel de plus d’1,6 million. Soit ce que gagnera un salarié français du groupe après 104 ans de bons et loyaux services au Smic. Cette masse invisible, retranchée dans des entrepôts placés sous vidéosurveillance, est pourtant juste derrière nos écrans. Il suffit de quelques clics pour que des hommes et des femmes bien réels enregistrent et assurent la préparation et la livraison de nos commandes. Des mains dont le mouvement continu est placé sous le sourire indéfectible du logo Amazon. Joyeux Noël !