
Après avoir écrit des livres sur les grandes fortunes, les châtelains, la chasse à courre, la grande bourgeoisie parisienne ou les millionnaires, les Pinçon-Charlot récidivent. Le couple de sociologues publie une nouvelle version du Président des riches, leur best-seller. Et s’invite à sa manière dans la campagne présidentielle.
Monique Pinçon-Charlot : Notre première version du Président des riches s’est terminée le 30 juin 2010. Depuis, il y a eu l’affaire Bettencourt, l’affaire Servier avec le Mediator, l’affaire Wildenstein [2], qui ne demande qu’à s’enflammer, et l’affaire Tapie, qui s’est transformée en affaire Lagarde. Nous avons également assisté à la quasi-suppression de l’impôt sur la fortune (ISF). Nicolas Sarkozy est un peu fondé de pouvoir de tous ceux qui participent à la concentration des richesses dans la France d’aujourd’hui. Souvenez-vous : pour fêter sa victoire électorale le 7 mai 2007, il invite une grande partie des patrons du CAC 40 au Fouquet’s. C’était le signe que le monde politique allait être aux ordres de la finance.
Ce qui s’est confirmé... (...)
Quand nous décortiquons le quinquénat de Nicolas Sarkozy avec nos lunettes de sociologues, on s’aperçoit que ce qu’il a réalisé de plus important depuis qu’il a été élu, ce sont des cadeaux aux plus riches sous diverses formes
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Michel Pinçon : L’enrichissement des plus riches, qui est extrêmement rapide, va de pair avec un appauvrissement des moins fortunés et des plus démunis. La fracture entre les plus riches et les plus pauvres s’élargit et pose un problème social très intense. Pour comprendre cette évolution, il faut tenir compte de l’importance des marchés financiers. Le capital est beaucoup mieux rétribué que le travail tout en étant moins imposé. La richesse va systématiquement à la richesse.
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Michel Pinçon : Nous sommes en présence d’une classe dominante organisée et efficace quand elle défend ses intérêts. En face : les classes moyennes et populaires sont divisées ou hésitantes. (...)
La lutte des classes qui se déroulait pays par pays de façon fragmentée prend une dimension internationale. La mondialisation de la finance a pour effet de mettre les peuples, y compris aux États-Unis, dans des situations difficiles.
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Monique Pinçon-Charlot : La mondialisation qui se déroule sous nos yeux n’est pas la nôtre. Elle met sous pression les classes moyennes et les classes populaires. Ces pressions balaient tout ce qui s’apparente aux acquis sociaux, aux services publics et à la solidarité. Tout ce qui relève de la solidarité doit être défendu (...)
Nous voulons défendre systématiquement ce qui est à la base de la solidarité. (...)
Le Parti socialiste, dans sa majorité, est acquis au libéralisme. Cette formation politique est quantitativement la plus importante et la plus organisée grâce à ses nombreux élus locaux. Cela pose un problème à l’ensemble de la gauche de faire l’union entre ceux qui veulent gérer le capitalisme libéral et ceux qui souhaitent une rupture réelle avec ce système économique. (...)
Il faudrait arriver à transformer complètement notre classe politique. Ce sont uniquement des personnes favorisées qui siègent à l’Assemblée nationale ou au Sénat. (...)
En contrepartie, les classes défavorisées ne participent plus à la vie politique. Pour lutter contre cela, nous faisons des propositions qui sont liées. Déjà, abolir le cumul des mandats. On ne doit plus pouvoir être député et maire, ou ministre et maire comme c’est actuellement le cas avec Alain Juppé, toujours maire de Bordeaux. Ensuite, on ne doit plus pouvoir faire carrière en politique. Donc limiter le nombre de mandats successifs et élaborer un statut de l’élu. (...)
Il faudra également rendre le vote obligatoire tout en reconnaissant le vote blanc. (...)
Au-delà de 30 % de vote blanc, l’élection doit être invalidée. Dernière mesure : les résultats électoraux doivent être respectés. Ce qu’il s’est passé à la suite du référendum de 2005 est intolérable. 57 % des électeurs ont dit non au projet de Constitution européenne pourtant soutenu par toutes les élites de droite et de gauche. Mais lorsque Nicolas Sarkozy est arrivé, le traité de Lisbonne a toutefois été signé.
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La nationalisation du système bancaire est une mesure à prendre immédiatement. (...)
En matière de fiscalité, nous proposons de prélever à la source les revenus, qu’ils proviennent du travail, du capital ou du patrimoine. Tous au même niveau, et à la source, pour régler le problème des niches et des paradis fiscaux. Il faut aussi mettre en place un impôt progressif, qui part de très bas mais qui monte jusqu’à 95 % pour la dernière tranche afin de soigner l’addiction à l’argent. (...) Wikio