
Monoprix, Auchan, Lidl... Un rapport du Réseau Action Climat épingle les grands supermarchés. Ils poussent à l’achat de viande industrielle, se font de grosses marges sur les produits bio, rémunèrent mal les agriculteurs...
Benoit Granier — Aujourd’hui, 70 % de nos achats alimentaires sont faits en grande surface. En particulier la viande et les produits laitiers, qui représentent les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre de notre alimentation. Pour la viande, 80 % des achats viennent de grandes et moyennes surfaces.
Les enseignes de la grande distribution ont beaucoup d’influence : sur les consommateurs, parce qu’elles peuvent jouer sur les prix, sur les promotions, les publicités, le marketing en magasin, les produits mis en avant ; et sur les fournisseurs, en particulier les agriculteurs, via la rémunération, mais aussi avec leurs marques distributeurs. La grande distribution se présente comme un intermédiaire mettant en rayon les produits des autres. C’est faux, elles produisent la moitié de ce qu’elles mettent en rayon. Certaines gammes de marques distributeurs vont vers le mieux, mais d’autres vers le bas de gamme. (...)
Avec seulement quatre centrales d’achat, les grandes enseignes sont en position de force face à leurs fournisseurs et peuvent influencer leurs pratiques. Réseau Action Climat (...)
Aucune enseigne n’a obtenu plus de 10/20 à votre évaluation. Comment l’expliquer ?
On est exigeants, parce que l’alimentation représente 24 % de nos émissions de gaz à effet de serre. D’après tous les scénarios, on doit diviser au moins par deux la consommation de viande. Les supermarchés n’ont pas intégré cette nécessité. (...)
Dans les catalogues de six enseignes sur huit, les recommandations nutritionnelles ne sont pas à jour. (...)
Aujourd’hui, six enseignes sur huit conservent les recommandations d’avant 2019. On se demande si c’est volontaire ou si c’est de la négligence. Seul Lidl est à jour. Et Auchan ne publie pas de recommandations. (...)
Les principales victimes de ces pratiques ne sont-elles pas les personnes modestes ?
Dans la population, les 40 % les plus modestes ne mangent pas moins de viande que les autres, mais presque exclusivement de la viande bas de gamme. On risque d’aller vers une alimentation à deux vitesses, avec ceux qui ont les moyens d’acheter bio, davantage de protéines végétales, de fruits et légumes, de poisson. Et, de l’autre, ceux qui ont moins les moyens d’acheter des bons aliments. (...)
dans le même temps, les produits comme les lentilles, les haricots secs, les pois chiches, qui ne coûtent pas très cher et sont très bons pour la santé et l’environnement, sont peu mis en avant dans les magasins.
Les pratiques de la grande distribution sont régulièrement dénoncées. Ces mauvaises notes ne sont pas une surprise.
Ce n’est pas un scoop, c’est vrai. Ce qui nous intéresse, c’est de mettre les enseignes face à leurs responsabilités. Certaines se présentent comme les acteurs de la transition alimentaire, d’autres comme les alliés des consommateurs, les gentils de la grande distribution face au méchant gouvernement. Si on regarde de plus près, certes ils font le maximum pour proposer des prix très bas sur certains produits, mais des prix bas, cela signifie mal rémunérer les agriculteurs, mettre en danger la santé des gens et de forts impacts environnementaux. (...)
Plus il y aura d’exigences des consommateurs, plus il y aura d’intérêt et de pression pour la grande distribution à faire mieux. Enfin, les pouvoirs publics n’encadrent pas assez bien ce secteur. (...)