Voici le récit authentique du parcours d’un demandeur d’asile dans les dédales de Pôle emploi, fait par Michelle Paul, présidente de la section Loudéac centre – Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme.
« Pour commencer, il convient de noter une particularité étrange : les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de travailler, ni, par conséquent de chercher un travail. Il est donc parfaitement logique qu’ils soient obligés de s’inscrire à Pôle emploi, organisme chargé de trouver du travail aux demandeurs d’emploi… C’est en fait Pôle emploi qui leur versera l’ATA (aide temporaire d’asile). (...)
Jeudi 2 août, je les accompagne à Pôle emploi, à Loudéac. Il n’y a pas de conseiller le jeudi, il faut revenir le lendemain.
Vendredi 3 août, je me présente au guichet avec M. J.M., et j’explique sa situation de demandeur d’asile. Réponse :
– le rendez-vous se prend par téléphone, par le 39-49.
– Oui, mais leur situation est particulière.
– Il faut faire comme tout le monde, appeler le 39-49.
– Puis-je rencontrer un ou une conseillère ?
– Je suis conseillère. Il faut faire le 39-49.
Je quitte le bureau, tente d’avoir le 39-49 (une boîte vocale), ça ne répond pas. Je retourne au guichet de Pôle emploi, on me remet une plaquette explicative… J’y lirai plus tard qu’en cas de problème ou de situation particulière, il faut s’adresser à une conseillère qui nous aidera…
Je rentre chez moi, j’essaye de prendre le rendez-vous sur le site de Pôle emploi. Problème : il faut répondre à la question : êtes-vous disponible pour rechercher un emploi ? Pour la famille J.M., la réponse est évidemment non. La réponse du site de Pôle emploi tombe :
Vous déclarez ne pas être disponible pour occuper un emploi immédiatement.
Vous devez être disponible pour rechercher un emploi. Nous vous invitons à vous reconnecter sur pole-emploi.fr lorsque vous le serez.
Vous pouvez également contacter un conseiller au 3949*. (...)
Ce qui frappe dans cette affaire, ça n’est pas la complexité de la procédure : ça, on connaît, on est habitué.
Le personnel de Pôle emploi n’est pas en cause non plus : j’ai eu affaire à des personnes très attentives et soucieuses de trouver une solution (à une exception près).
Le problème, c’est le verrouillage total de la communication.
La communication directe est impossible entre l’usager et l’organisme. Elle est également impossible entre les salariés de Pôle emploi. Ça n’est évidemment pas du fait des agents de Pôle emploi, qui sont eux aussi victimes de cette situation. Il s’agit en fait d’une méthode de « management », qui se généralise dans l’administration. On a transformé l’ANPE en une entreprise, qui fonctionne comme une entreprise.