
Cet ouvrage, fruit de nombreuses années de réflexion, est rigoureusement indispensable pour ceux que les questions de genre, de diversité, et, plus généralement, celles des conditions de l’égalité, préoccupent. Réjane Sénac défend, avec conviction et un immense savoir, des thèses fortes qui doivent être attentivement examinées.
Ruse de la raison néolibérale
Si l’égalité est une valeur républicaine, consacrée par le droit, la réalité empirique est bien différente. L’auteure dévoile, derrière les bonnes intentions apparentes, ce qu’elle nomme opportunément la ruse de la raison néolibérale. Ainsi la promotion de la parité et de la diversité est analysée comme un processus de marchandisation de l’égalité. En d’autres termes, ce qui est valorisé c’est, comme l’écrit l’auteure, une « égalité sous conditions de performance de la différence ». Les politiques d’inclusion au nom de la richesse des différences ne remettent donc pas en cause le rôle central que joue la complémentarité sexuée et racialisée dans l’ordre politique. On comprend aisément la radicalité de cette approche.
La thèse politique dominante, influencée notamment par la vision républicaine de Philip Pettit et de Nancy Fraser, considère que les traitements égalitaires doivent trouver leur justification par le fait que « des semblables, des pareils, ne peuvent être discriminés, de quelque façon que ce soit »1, et non en se fondant sur de prétendues ressources différentes. L’égalité sera donc perçue comme une relation de non-domination au sein d’un républicanisme critique, fortement distinct de celui de nos nationaux-républicains, ceux qui confondent, avec une absolue bonne conscience, la sacralisation de la nation avec l’amour de la république. (...)