
Macron élu PDG de la société France a désigné son Premier ministre/directeur général et un conseil d’administration. Encore, dans un conseil de société anonyme le comité d’entreprise a le droit d’être présent mais là, aucun ministre dit de la « société civile » ne provient d’un syndicat de salariés. Rien que du DRH, du PDG, de l’auto-entrepreneur sans oublier les vieux routiers de la « politique », professionnels et carriéristes de la représentation, des mondes des affaires…
Et dans la campagne législative, sans parler même d’autogestion, les coopératives, les droits de contrôle et d’expression des travailleurs salariés ou non ne sont pas au programme. Au programme il y a : « libérer le travail ». Qui pourrait s’opposer à la « liberté » en général ? Nous quand cette liberté est celle du loup dans la bergerie. Car « libérer le travail » signifie pour eux « libérer l’entreprise » (c’est-à-dire libérer les actionnaires et dirigeants des « contraintes » du droit social) et non libérer les travailleurs des contraintes du « marché libre ». Transposons « travail » et « travailleurs » en « esclavage » et « esclaves » et imaginons un Macron en campagne sur le thème « libérer l’esclavage ». Il apparaît bien que cela ne signifie pas « libérer les esclaves », bien au contraire. Car pour libérer les esclaves il a fallu une contrainte, une interdiction, des sanctions, bref : interdire l’esclavage. Et bien oui, le « travail » ne doit pas être libéré, il doit être contraint pour permettre justement la libération de celles et ceux qui créent les richesses alors qu’aujourd’hui, de leur conception jusqu’à leur aboutissement elles leur échappent. (...)
En la forme, un an après le 49-3 de Valls en 2016, c’est un nouveau coup d’Etat contre ce qui reste des conquêtes sociales.
Au fond, sur le contenu, il s’agit bien d’un dirigisme revenant aux « fondamentaux de l’étatisme jacobin »[1] réduisant d’en haut le nombre de branches, vidant les conventions collectives de branche de leur substance. En effet désormais la « démocratie sociale » sera réduite à une loi par entreprise (les accords d’entreprise pourront porter non seulement sur la durée du travail, mais aussi sur les salaires, les conditions de travail) sans les garanties (sauf quelques minima, et encore….) qu’apportent la loi et les conventions de branche. Modernité ? Retour en réalité – avec mise au goût du jour – aux principes individualistes et libéraux du code civil napoléonien : « le contrat fait la loi entre les parties », peu importe l’inégalité économique, sociale, réelle. L’Etat – par sa justice, sa police, ses institutions « régaliennes » se porte garant de l’exécution des contrats sans tenir compte des rapports de domination. Suite, agonie et fin de l’ordre public social ! (...)
L’individualisme concurrentiel
L’individualisme macronien, c’est faire de chaque travailleur son propre patron par l’ubérisation dans la compétition de tous contre tous. On ne travaille plus pour un patron, le patron c’est le « client » qui, insatisfait du service, rompt sans préavis ni indemnité. Et si le « service » est insatisfaisant, c’est le renvoi à la responsabilité (culpabilité !) individuelle et non aux défauts d’un système. Cette « fin du travail »[4], n’est pas – loin de là – la fin du travail aliéné ! Ce n’est pas la mise en place de cadres collectifs garantissant les droits et les libertés de chacun. On n’entend plus parler ne serait-ce que du « droit d’expression »[5]. (...)
La logique est celle du film Deux jours une nuit, dans lequel ce sont les salariés qui doivent choisir entre une prime et le maintien du contrat de travail d’une salariée de retour d’arrêt maladie[7].
La flexibilité, le temps partiel et le co-emploi, les contrats précaires, tout cela concourt à briser les solidarités, à faire que chaque travailleur (salarié ou indépendant) soit dans la lutte pour la survie de son contrat, de ses commandes. Comment dans ces conditions chacun peut disposer d’une certaine « tranquillité », celle qu’apporte la stabilité des contrats, et donc des collectifs de travail, condition nécessaire et indispensable pour penser le travail et l’entreprise en commun ?
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La société de Macron, c’est la soumission du travailleur, de la travailleuse au « marché (libre) du travail ». Or, c’est bien l’humain qui doit contraindre le travail (...)
Contraindre, c’est-à-dire limiter tant qu’il est nécessaire, le travail subi. Diminuer le temps de travail contraint pour donner du temps aux individus de se reposer, se cultiver, leur permettre avec leurs collectivités de contrôler, voire d’exercer le pouvoir, c’est toujours d’actualité.
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L’agenda social du Président Macron se remplit : d’abord, un approfondissement de la loi El-Khomri, touchant les salaires comme les conditions de travail et sa durée légale ; ensuite, une restructuration du système d’assurance chômage, avec le risque que celle-ci se transforme en protection minimaliste pour des travailleurs précarisés ; enfin une nouvelle réforme des retraites, potentiellement explosive. Sans oublier la refonte de la formation professionnelle et la suppression progressive de 120 000 postes de fonctionnaires. Basta ! fait le point sur ce qui attend tous ceux qui vivent de leur travail une fois passées les élections législatives. (...)