
Crimes, agressions, dégradations… À une écrasante majorité, ce sont des hommes qui se rendent responsables de ces délits. Dans son essai (1), l’historienne Lucile Peytavin évalue le prix de ces violences qui mobilisent police, justice, services médicaux et éducatifs. Pour elle, pas de fatalité : c’est l’éducation différentiée donnée aux enfants qui prépare ces comportements.
Comment avez-vous eu l’idée de chiffrer « le coût de la virilité » ?
Je suis tombée, un jour, sur un simple chiffre : 96 % de la population carcérale en France est masculine. Ce chiffre m’a interpellée, en ce qu’il dit que les personnes reconnues coupables de crimes et de délits sont, dans plus de neuf fois sur dix, des hommes. J’ai donc décidé de tirer le fil, pour m’intéresser à ce que coûtent ces comportements à l’État, qui dépense des milliards pour appréhender, enquêter, juger, sanctionner, rééduquer, soigner les auteurs. Sans compter le coût indirect pour la société, qui doit répondre aux souffrances des victimes. À ma grande surprise, ce travail n’avait jamais encore été mené. Les chiffres donnent le tournis : 86 % des homicides, 99 % des viols, 84 % des coups et violences, 95 % des vols avec arme, 90 % des dégradations sont le fait d’hommes.
« Rien ne prédétermine les hommes à ces comportements asociaux. Ce n’est ni une question de cerveau, ni de production de testostérone, comme on peut l’entendre parfois. La biologie n’a donc rien à voir là-dedans ».
Cette éducation qui valorise la force mentale et physique, la domination de l’autre, la brutalité parfois, est-elle universelle ?
Elle l’est. Partout dans le monde, ce sont les hommes, bien plus que les femmes, qui sont jugés et emprisonnés. Le pays où le plus de femmes sont derrière les barreaux, c’est Hong Kong, mais elles ne représentent jamais que 20 % des détenus. Quel que soit le milieu social, les chiffres montrent que les femmes s’adonnent largement moins à la violence que les hommes. Et cela est vrai pour celles qui grandissent dans la pauvreté, sous les coups, ou en subissant des agressions sexuelles. La misère est donc un facteur moins déterminant que le sexe. (...)