
Dernier volet de notre entretien avec Daniel Ibanez, opposant français au projet de ligne ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin. Ce lanceur d’alerte livre un éclairage inédit sur l’un des plus gros chantiers européens.
Outre les aspects techniques concernant l’utilisation de la ligne ferroviaire existante entre la France et l’Italie, ce dernier volet de notre entretien avec Daniel Ibanez aborde la question de la rentabilité et du coût du projet de liaison ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin. La Cour des comptes a montré dans un référé sur le projet, daté de 2012, que celui-ci n’a cessé d’augmenter depuis que celui-ci a été lancé. (...)
L ’utilisation de la ligne existante est-elle plus compétitive que le grand projet de LGV Lyon-Turin ?
En matière de compétitivité, les pro lyon-Turin devront présenter une estimation de ce qu’il faudra payer pour amortir sur 60 ans un projet à 30 milliards d’euros. Cela n’a jamais été calculé. Personne ne sait quel sera le prix du billet sur un trajet Paris-Turin ou Paris-Milan pour rembourser cette ligne en 100 ans, Louis Besson, le père du projet, l’a avoué en janvier 2013. (...)
Savez-vous quelle était la prévision du nombre de voyageurs annoncée en mai 1991 par Louis Besson, alors ministre des Transports ? 19 millions sur le projet Lyon-Turin. En 1993, la prévision n’était plus que de 10 millions. Dans la récente enquête publique, nous n’en sommes plus qu’4 millions…
Il faudra nous expliquer comment payer le grand projet de Lyon-Turin avec 4 millions de passagers, pour autant qu’on y arrive ! Il serait intéressant de connaître le prix du billet de TGV…
Pour remplir un train entre Paris et l’Italie, il faut des arrêts. Aujourd’hui, la ligne actuelle met 6 h 50. On nous dit que la nouvelle ligne mettra 4 h 15, sans préciser que pour remplir un train à destination de Milan, il faudra des arrêts et donc plus de temps. Si on met 6 h 50 aujourd’hui, c’est parce qu’il y a 9 arrêts et trois trains par jour dans chaque sens. Si on met 20 trains, on aura du mal à les remplir, même si ça va plus vite le temps de parcours pour Milan sera d’au minimum cinq heures.
Le hic, c’est qu’à plus de 4 heures, les businessmen ne prennent pas le train mais l’avion pour une heure de trajet. La nouvelle ligne ne sera donc pas plus compétitive que l’avion. C’est certes regrettable, mais un billet de train Paris-Milan ou Paris-Turin, c’est 260 euros aller et retour et c’est 180 euros par avion avec des compagnies aériennes comme Alitalia et Air France qui ne sont pas des compagnies low cost.
Tous les éléments objectifs montrent qu’il ne sera pas possible de remplir les trains de la nouvelle ligne, que le train sur une ligne entièrement amortie coûte déjà 260 euros aller et retour. Le Lyon-Turin ne sera jamais rentable et sera payé par les contribuables.(...)