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Maître Zhang, l’avocat chinois qui « perd ses procès » mais fait avancer la justice
Article mis en ligne le 25 septembre 2013

Maître Zhang Sizhi a un titre de gloire ironique : il a perdu tous ses procès. Cet avocat chinois, aujourd’hui agé de 86 ans, aura néanmoins marqué l’histoire de son pays : pionnier de la renaissance du droit en Chine après l’ère maoïste, ses clients passés ont des noms aussi célèbres que la veuve de Mao ou les acteurs de Tiananmen.

C’est un monsieur élégant à l’allure fragile qui se présentait mercredi matin à Paris pour la sortie de la biographie qui lui est consacrée, « Les confessions de Maître Zhang », un récit qui se lit comme une histoire parallèle de la Chine des quarante dernières années.

Dans sa préface, Zhang Sizhi fait preuve d’une fausse modestie, regrettant de ne pas avoir la force et le talent d’un Emile Zola et de son « J’accuse » :

« Hélas, je suis l’avocat qui n’a jamais gagné de procès ; en quoi cela méritait-il une biographie ? »...

La réponse tient dans les 579 pages écrites par Judith Bout, une chercheuse française spécialisée dans le droit chinois, et qui a réussi à le convaincre de se livrer à l’exercice de la biographie. Autobiographie, devrait-on dire, puisque le livre est écrit à la première personne du singulier, même si Zhang Sizhi n’a pas pu relire, pour cause de langue, le récit de la jeune femme devenue « complice ».

« Penser autrement n’est pas un crime » (...)

Il a certes perdu tous ses procès, mais en se battant pour défendre ses clients dans la plupart des grands procès politiques des années 80 et 90, en particulier ceux liés au Printemps démocratique de la place Tiananmen en 1989, il a fait avancer une idée audacieuse :

« Le premier, il a su dire dans les tribunaux ce qui ne se dit pas en Chine : penser autrement n’est pas un crime ». (...)

Maître Zhang porte aujourd’hui un regard ironique et lucide sur cette histoire qui n’est pas révolue :

« J’ai perdu tous mes procès, mais je ne suis pas pour autant un loser... Si un juge arrivait à retoquer un seul de mes arguments, je reconnaîtrais ma faute. Mais ça n’est jamais arrivé.

Un jour, des avocats plus brillants et plus compétents que moi finiront par gagner pour le compte d’un de leurs clients. Mais notre justice n’a pas acquis son indépendance, et tant que ça ne sera pas le cas, on ne pourra pas gagner ». (...)

En attendant ce jour, il faut lire les « confessions de Maître Zhang » pour comprendre le prix à payer lorsque la justice est directement soumise à l’autorité d’un parti politique tout-puissant. Et le courage qu’il a fallu à un avocat, membre de ce parti de surcroît, pour aller à contre courant.