
Ce billet n’engage que moi qui ne suis ni experte ni spécialiste de rien. Il est l’expression d’une citoyenne du monde dont le cœur arythmique bat aussi pour le Mali depuis 2007. Ça a commencé au moment de l’arrestation de vingt-trois salariés maliens d’un abattoir breton, un scandaleux petit matin de février. L’aventure collective entamée avec les Maliens d’ici s’est poursuivie là-bas, avec des militants, des artistes, des migrants, des femmes et des hommes ordinaires ou exemplaires.
Je n’ai pas vocation à observer puis à me taire. Ecouter, relater, documenter, donner la parole, comprendre et faire comprendre, c’est aussi pour cela que j’écris. Et tant mieux si certains se sont emparés de mes oiseaux de papier pour les transformer en spectacles dont l’objectif est identique : faire savoir et faire réagir.
Depuis le coup d’Etat du 22 mars, comme tous ceux qui s’intéressent à l’Afrique, j’essaie une nouvelle fois de comprendre cette fraction de la complexité du monde en mettant à distance les analyses trop partielles et partiales. Mon regard décentré de métisse, mon approche des deux continents m’aident à lire ces évènements en utilisant une autre grille. Ce qui est arrivé est un choc sans l’être, mais ce n’est parce qu’il était prévisible qu’il est moins douloureux. S’ajoute la culpabilité de n’avoir pu l’empêcher. Je pense aux femmes-sentinelles qui ont manifesté à Kati pour dénoncer la situation impossible des militaires dans le septentrion ; je pense au manifeste rédigé par des intellectuels et artistes maliens dont le cri d’alerte s’est perdu dans le vide sidéral de la Toile (« Déclaration du 7 février sur la rébellion au nord du Mali » http://www.foram-forum-mali.org/ind.... Site du FORAM – Forum pour un autre Mali).
Il me semble que les soldats putschistes ont donné une mauvaise réponse à une véritable question sur l’état de ce pays, son avenir immédiat et plus lointain. Il faut une solution politique et non pas militaire.
J’ai écouté les voix qui s’élèvent, les arguments des va-t-en-guerre, entendu le silence qui broie l’espoir, lu les articles éplorés et compassionnels et j’ai envie de dire que le Mali ne sanglote pas ; il crie. Il crie depuis longtemps, mais l’écho ne parvenait pas jusqu’ici, assourdi par nos certitudes. Sous les habits convenables d’une démocratie de façade, le géant n’est pas nu ; une incursion dans son Histoire nous éclaire rapidement. Epuisé, il titube sous les coups portés à l’intérieur comme à l’extérieur, victime collatérale de l’intervention franco-britannique, de l’OTAN, en Libye. Les Touaregs maliens sont revenus et n’ont pas été désarmés. Ceux qui depuis longtemps se battent pour la sécession et la libération de l’Azawad ont conservé leurs armes et saisi l’opportunité d’avancer. Rien de nouveau sous le soleil sahélien, sauf cette alliance mortifère avec les salafistes et djihadistes qui hurlent à un Etat malien islamique face à une armée gouvernementale impuissante, sous équipée et sans cesse humiliée.
Et la France dans tout cela ? Affaire à suivre. (...)