
A Beaumont-sur-Oise, plus de deux mille personnes ont apporté, samedi 17 juillet 2021, leur soutien à la famille d’Adama Traoré -enfin réunie au complet après la récente libération de Bagui. Mais l’annonce de la décoration des trois gendarmes mis en cause dans l’affaire étaient sur toutes les lèvres. Reportage.
Gilet jaune floqué d’un poing noir, formation politique ou étudiante, familles au complet : une fois de plus, la foule a répondu présente pour entourer la famille Traoré. Symboliquement, Bagui Traoré tenait fermement la photo de son frère Adama en tête du cortège qui a traversé les rues des communes de Persan et de Beaumont, où résidait le jeune homme. « Cela a forcément un sens particulier qu’il soit là aujourd’hui. Il aurait du être présent dès le départ », murmure une jeune femme qui a fait le déplacement depuis Paris. (...)
Incarcéré depuis fin 2016, Bagui Traoré -témoin principal de l’arrestation de son frère, a définitivement été acquitté des chefs d’accusation de « tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité public en bande organisée », le 9 juillet dernier par la cour d’Assises de Pontoise (Val-d’Oise) après les trois nuits de révoltes suite à la mort d’Adama Traoré en juillet 2016. « La libération de Bagui est de l’oxygène pour nous. Elle nous donnera encore plus de force ».
« Les juges se sont aperçus que les gendarmes avaient menti dans ce dossier », expose, très ému, Bagui Traoré. « C’est une petite brèche que l’on doit prendre pour arriver au but : le jugement des gendarmes », poursuit-il. « Nous réclamons plus, nous exigeons plus », rappelle également sa sœur Assa Traoré.
Libération de Bagui, relaxe d’Assa Traoré, le 1er juillet, accusée de diffamation à l’encontre des gendarmes (à la suite de la publication de sa tribune « J’accuse » publiée sur ses réseaux sociaux, dans laquelle elle dévoile le nom des gendarmes impliqués dans la mort de son frère, NDLR) : les cartes semblaient enfin rebattues pour la famille Traoré, réunie au complet pour la première fois depuis décembre 2016. La joie de ces retrouvailles a pourtant été gâchée par les informations dévoilées la veille de la marche par le quotidien Mediapart. (...)
Cette décoration est hallucinante. Quel message décide-t-on d’envoyer alors que l’enquête est toujours en cours (...)
La famille n’est pas au bout de ses peines puisque les juges ont demandé aux experts un complément d’autopsie, à l’aune d’un arrêt de travail pris par Adama Traoré en juin 2014, auquel les parties civiles n’ont pas eu accès. Les résultats de cette nouvelle autopsie devraient être versés au dossier d’instruction le 31 août prochain. « Nous répondrons en conséquence », a promis Assa Traoré.
La foule partagée entre hallucination générale et combativité (...)
« Cette récompense est inadmissible mais cela n’est pas surprenant. Au-delà de la lutte de la famille Traoré, c’est un combat politique plus général contre les violences policières. Et il y a trop d’enjeux : ces derniers temps, les forces de l’ordre se plaignent régulièrement de ne pas avoir assez de pouvoir », développe N.F*, qui craint que l’on essaye d’étouffer l’affaire pour ne pas risquer une nouvelle mobilisation des forces de l’ordre, comme on a pu l’observer au printemps dernier. (...)
« Tant que l’on sera dans le déni sur ce sujet, il ne pourra pas y avoir de dialogue démocratique. Alors qu’entre les révoltes sociales et la Révolution (sic) suite au décès de George Floyd, il n’y a jamais eu autant de manifestations. »
« Nous avons une jeunesse de plus en plus conscientisée », observe Aïssata Seck. (...)
Avant de laisser place aux chants et aux jeux, Bagui Traoré a pu observer la foule, réunie le poing levé en scandant le nom d’Adama, depuis l’estrade. « C’est un jour triste mais quand je vois tout ce monde, je sais qu’Adama aurait trouvé ça beau ».