
Enfin, nous y voici. À cor et à cri, les adversaires du "mariage pour tous" réclament un grand débat. C’est oublier que la controverse est lancée depuis quinze ans. À l’époque, tous s’accordaient pour reconnaître l’enjeu au-delà de la création du Pacs alors discuté : ce que les uns (les plus nombreux) redoutaient, ce que les autres (encore rares) revendiquaient, c’était bien l’ouverture du mariage et surtout de la filiation. Car la question de l’égalité entre les sexualités se posait déjà.
(...) Ceux qui sacralisent le mariage et la filiation refusent de les profaner en les ouvrant à l’homosexualité. Libre à chacun de valoriser davantage l’hétérosexualité, au motif qu’elle serait naturelle ou divine. De fait, selon l’actuel Catéchisme de l’Église catholique, les actes homosexuels sont des "péchés graves", "intrinsèquement immoraux" et "contraires à la loi naturelle". Mais l’État a-t-il vocation à instituer cette norme hétérosexiste ? Ou bien, renonçant à promouvoir l’hétérosexualité majoritaire, devrait-il rester neutre ? (...)
Les craintes du gouvernement sont le révélateur des ambiguïtés du droit de la filiation. Certes, la loi continue d’y accorder au mariage une place majeure, avec la présomption de paternité, mais aussi en lui réservant l’adoption conjointe. Pour autant, cette institution n’est plus son fondement unique : le législateur a cessé depuis 1972 de hiérarchiser ainsi la filiation, mettant à égalité les filiations qu’il renonce d’ailleurs à nommer "légitime" et "naturelle". Aussi la biologie apparaît-elle désormais comme un fondement alternatif de la filiation – le développement des "preuves génétiques" lors des recherches en paternité l’atteste. Les lois de bioéthique en apportent la confirmation paradoxale.
Tout se passe comme si, pour le droit, la reproduction artificielle était... naturelle ! Au couple composé d’un homme et d’une femme, on demande d’être "en âge de procréer" (une exigence absente pour l’adoption), l’effacement des donneurs contribuant à renforcer l’illusion d’une reproduction naturelle. Ceux qui répugnent aujourd’hui à ouvrir la PMA aux couples de même sexe veulent ainsi sauvegarder une vraisemblance qui n’a rien à voir avec la vérité. (...)