
Pour son meeting du 1er Mai, la présidente du RN, qui s’adressait à la jeunesse, a dévoilé les contours d’un plan en faveur de l’entrepreneuriat des moins de 30 ans, ultralibéral et inégalitaire.
Pour ce second 1er Mai confiné, Marine Le Pen, plus que jamais en campagne pour l’élection présidentielle, a dû se contenter d’un bien modeste « meeting numérique » pour le rendez-vous traditionnel du Rassemblement national. Après l’habituel dépôt de gerbe devant la statue de Jeanne d’Arc, la présidente du RN a tenu, depuis son canapé blanc, un discours retransmis sur Facebook et YouTube centré sur l’annonce d’un « plan » pour la jeunesse.
Une semaine après le scandale déclenché par son soutien aux aspirants putschistes dans l’armée, Marine Le Pen a évacué le sujet en une phrase en dénonçant une ministre de la défense prête à sanctionner « des officiers à la retraite qui ont eu l’outrecuidance de pousser un cri d’alarme, après une vie passée à servir la nation ».
Au RN, où l’on a théorisé qu’il fallait sortir des discours uniquement anxiogènes, qui mobilisent la base mais sont insuffisants pour convaincre une majorité d’électeurs, Marine Le Pen s’est donc efforcée de tenir un discours « positif » sur l’avenir.
Le petit film d’attente, avant son intervention, s’était chargé de rappeler qu’elle avait « eu raison sur l’immigration », en déroulant des extraits de chaînes d’infos montrant des images de chaos et d’émeutes urbaines.
À elle l’optimisme et les discours sur l’avenir. « C’est à vous, jeunes, notre espoir et notre avenir, que je voudrais m’adresser tout particulièrement car vous avez été les premières victimes des errements et des fautes de nos gouvernants », déclare-t-elle en égrenant les conséquences délétères, pour eux, de la crise du Covid.
Confirmant un virage économique à droite toute, la présidente du RN dévoile les grandes lignes d’« un ambitieux plan à destination de la jeunesse » qu’elle affirme vouloir « mettre en œuvre dès [son] arrivée à la tête de l’État ». (...)
Pour parvenir à augmenter le taux d’activité des jeunes générations, particulièrement frappées par le chômage, Marine Le Pen croit en une chose : la création d’entreprises. « Nous accompagnerons le dynamisme de nos jeunes qui se lanceront dans l’entrepreneuriat », affirme-t-elle avec enthousiasme.
Parmi les principales mesures de ce plan : tout jeune de moins de 30 ans qui créera son entreprise, « y compris sous la forme de micro-entreprise », pourra « bénéficier d’une dotation en fonds propres égale à ses propres apports ». Une dotation qui sera portée par un « fonds souverain » dont elle a maintes fois évoqué la création. Cette dotation, précise Marine Le Pen, sera « très simple à obtenir car nous souhaitons débureaucratiser les procédures publiques ».
En clair, plus le « jeune » aura du capital, plus il sera aidé par l’État… Une sorte de redistribution inversée à destination des plus riches. Les enfants des classes moyennes pourront avoir des projets « moyens », quand les enfants des classes aisées pourront entreprendre « en grand »… Et quant aux enfants des classes populaires – chez qui le RN enregistre déjà de très bons scores –, ils devront manifestement se contenter des discours identitaires et anti-immigration, en rêvant à des jours meilleurs.
Marine Le Pen qui, sous l’influence de Florian Philippot, avait beaucoup tenté de séduire les fonctionnaires ces dernières années, s’offre au passage une petite pique contre « la bureaucratie » de l’État qui ne serait pas pour rien dans le blocage des « énergies ».
La présidente du RN propose aussi une « exonération totale d’impôt sur le revenu et sur les sociétés pendant cinq ans sur tout le territoire » à ces entrepreneurs de moins de 30 ans. En dehors du coût d’une telle mesure, la question du sens, en termes de justice sociale, de mettre sur le même plan fiscal le jeune patron d’une micro-entreprise ou celui d’une grosse PME ne semble pas poser de problème au RN… Là encore, un immense cadeau fiscal aux mieux dotés. (...)
Enfin, dernier volet du triptyque en faveur de la création d’entreprises chez les jeunes, Marine Le Pen annonce qu’elle compte revenir sur la fiscalité des successions et des donations pour aider « la mobilité du capital entre les générations ». (...)
Une mesure, là encore, uniquement tournée vers les détenteurs d’un capital à transmettre, qui n’est d’ailleurs pas très éloignée des pistes étudiées par Bercy.
Pour le chercheur à Sciences-Po Gilles Ivaldi, spécialiste de la doctrine économique du FN/RN, Marine Le Pen retrouve en grande partie, à travers ces propositions, le programme économique « attrape-tout » de son père. (...)
Pour relancer l’économie, à terre après un an de crise du Covid, Marine Le Pen choisit le camp des jeunes entrepreneurs ayant du patrimoine. Une façon bien particulière de célébrer la fête du travail et des travailleurs.