
(...) naufrage d’une embarcation de migrants, le 16 janvier dernier sur les côtes nord de Mayotte. Un drame au bilan très lourd puisqu’il a fait plus de douze morts et disparus, dont un nourrisson de quelques mois. Douze jours plus tard, un nouveau naufrage de kwassa-kwassa, toujours au nord de l’île, faisait cinq morts et des dizaines de disparus. Deux nouveaux drames venant s’ajouter à la trop longue liste de naufrages et de victimes en mer dans ce bras de mer large de 70 kilomètres. Une bande de mer qui sépare le tout nouveau 101e département français des trois îles voisines de l’archipel des Comores. Un nouveau DOM français que la communauté internationale ne reconnaît pas et que les Comores et la communauté internationale ne cessent de dénoncer comme étant occupé illégalement par la France depuis trente-sept ans.
(...) La France en défenseur des droits et des libertés ? C’est ironique lorsque l’on sait qu’en 2010 la France n’a pas ratifié la convention 169 relative aux peuples indigènes et tribaux de l’Organisation internationale du Travail. La France se réfugie quant à elle derrière des scrutins à répétition, dont le référendum du 29 mars 2009 sur la départementalisation ; des votes illégaux selon l’Onu et ce, depuis 1975. Des suffrages pour le moins contestables lorsque l’on sait également que la France a mis en place en 2001 la CREC (Commission de révision de l’État civil) pour rattraper un État civil pas du tout fiable… Trouver des électeurs et établir des listes électorales alors que l’on ne possède pas d’état civil, ça tient du miracle… (...)
Une fermeture des frontières qui intervient après des siècles de libre circulation entre les îles, mouvement tellement ancien qu’il n’est pas une famille qui ne soit dispersée sur l’ensemble des îles de l’archipel. Ce mur de 1995 sépare durablement des hommes et des femmes qui traditionnellement se déplaçaient librement dans l’archipel. Un verrouillage des frontières qui s’applique aux hommes, mais également aux marchandises avec l’instauration de barrières douanières sur les échanges dits « traditionnels » entre les îles des Comores et Madagascar. C’est cette situation qui, combinée à la politique du chiffre instaurée par Sarkozy dans la nouvelle politique d’immigration au début des années 2000, favorise le développement de la « question » ou plutôt du « problème migratoire » à Mayotte. Un blocage qui sédentarise une partie des populations des Comores d’un côté ou de l’autre de ce mur… Le durcissement des contrôles frontaliers et l’augmentation exponentielle des reconduites à la frontière poussent les migrants à prendre la mer via des passeurs prêts à prendre tous les risques pour gagner les côtes de Mayotte (...)
Chérèque, le secrétaire général de la CFDT, de passage quatre jours à Mayotte le 28 janvier 2012 dernier, soulignait ainsi que « Mayotte, c’est la honte pour Paris : avouer qu’aux yeux de tous, des gens meurent dans des eaux françaises… Si ça s’était passé à Lampedusa, ça aurait fait les gros titres ! » (Malango du 1er février 2012). Et effectivement ces drames sont loin de faire les gros titres des médias métropolitains mais aussi, et c’est sans nul doute plus inquiétant, de la presse locale, qui ne consacre que quelques lignes dans la rubrique faits divers à ces drames si révélateurs d’une situation et de politiques mortifères.
Tristes constats qui révèlent que cette guerre aux migrants menée aussi de l’autre côté de la planète reste dans un silence assourdissant. (...)
la politique de lutte contre l’immigration développée depuis la fin des années 1990 revêt à certains égards des accents terrifiants, faisant de ce territoire une terre de non-droit. (...)
Dans cette terre de non-droit, la résistance s’organise. Les différentes mobilisations et le bras de fer des Comores entamé contre la France au mois d’avril 2011 ont permis de baisser sensiblement le nombre des reconduites en 2011
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Le mouvement social du dernier semestre 2011 a bloqué pour quelques semaines la machine à expulser, mais ce n’est qu’une bataille et la lutte contre ces politiques racistes et criminelles, et pour la justice sociale, est encore loin d’être finie. La première bataille étant sans nul doute celle contre l’oubli et l’indifférence devant les exactions de la France dans ce confetti de l’empire.