
Il n’y a pas que la canicule qui dézingue nos vieux. Les organismes sociaux aussi. Les Chibanis, ces « hommes aux cheveux blancs » venus jusqu’ici manier la truelle pendant les Trente Glorieuses, sont somméés de passer leur retraite miteuse loin du Maroc et des leurs. Sinon ?…
« Ça a commencé en décembre 2009… En rentrant du bled, j’ai trouvé une lettre de la CAF. Elle disait que, pendant mon absence, le contrôleur était passé, qu’il ne m’avait pas trouvé et que je devais rembourser 9 000 euros. Voilà comment elle nous traite, la France ! On a perdu notre vie pour construire ce pays et maintenant il ne nous reste rien ! » Un mélange de lassitude, d’amertume et de colère se lit sur le visage creusé de Mohamed [1]. (...)
pour bénéficier des prestations sociales, il faut résider en France, et les séjours à l’étranger ne sont autorisés qu’en deçà d’une certaine durée – trois mois pour la CAF, six mois pour la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) [2]. De fait, chaque allocataire est tenu de déclarer aux caisses ses dates de départ et de retour. Une obligation réglementaire dont les Chibanis n’ont jamais été informés… Et comment l’auraient-ils été, la majorité d’entre eux parlant et lisant mal le français ? Hassan l’a mauvaise : « On pensait qu’arrivés à la retraite, on pourrait rentrer un peu plus chez nous, passer du temps avec la famille. On ne savait pas qu’on ne devait pas rester plus de tant de mois au bled. On n’est pas des escrocs ! » (...)
À Perpignan, plus de cent cinquante Chibanis seraient dans le collimateur des organismes sociaux. Certains ont été virés de leur logement, les proprios ne touchant plus d’APL. D’autres ont été mis en demeure par la Sécu de rembourser des médicaments alors qu’ils bénéficiaient de la CMU. Une véritable nasse administrative. (...)
Pour Hortensia, membre du comité SOS Chibanis, les choses sont claires : « Nous sommes en contact avec d’autres collectifs mais c’est ici, à Perpignan, que les situations sont le plus dramatiques. Ces personnes n’ont même plus de quoi manger. Encore une fois, nous servons de laboratoire : les autorités frappent fort, et attendent de voir les réactions. Si leur stratégie passe, elles étendront le dispositif à toute la France. »(...) Wikio