
La France insoumise a affiné sa stratégie en vue de la présidentielle lors de ses universités d’été. Elle n’exclut pas une convergence avec les Verts. Les mesures de planification écologique ont acquis une importance de premier plan dans le programme de la formation de Jean-Luc Mélenchon.
La campagne présidentielle a déjà débuté pour la France insoumise. Durant le mois d’août, trois caravanes de L’Union populaire — le nouveau slogan de la campagne — ont sillonné le pays avec un objectif : convaincre les habitants des quartiers populaires de voter pour Jean-Luc Mélenchon les 10 et 24 avril 2022 plutôt que de s’abstenir. « Nous sommes parvenus à faire inscrire des centaines de personnes sur les listes électorales », se réjouit Clémence Guetté, coordinatrice du programme de Jean-Luc Mélenchon. Le trajet réalisé en 70 étapes a pris fin à Châteauneuf-sur-Isère (Drôme), près de Valence, où se sont tenues les universités d’été de la France insoumise, les « Amfis », du 26 au 29 août.
Sans devoir passer par la case des primaires, les parlementaires Insoumis ont tâché de démontrer qu’ils sont déjà en mesure de former un gouvernement. (...)
Conférences et débats se sont tenus au bord du lac de l’Aiguille sous les tentes tourbillonnant au rythme du mistral. Étaient conviés des intervenants de la société civile (syndicats, associations, ONG, experts, scientifiques), toujours accompagnés par une personnalité du mouvement chargée de faire le lien avec le programme. Discriminations au travail, partage des richesses, lutte contre l’évasion fiscale, le groupe politique réaffirme son souhait de voir la puissance publique s’imposer face aux intérêts privés en promouvant l’instauration d’un véritable « État planificateur ». Des mesures sociales ont déjà été annoncées : semaine à 32 heures, retraite à 60 ans, mise en place de la sixième semaine de congés payés ou encore la hausse du Smic. (...) tous les livrets ne sont pas encore sortis.
Pour autant, celui concernant la planification écologique est paru en mars. Un signal de la place accordée à l’écologie dans ce programme « enrichi » par les travaux parlementaires réalisés pendant le mandat (entre autres sur l’eau, le nucléaire, la gestion de la forêt française ou encore sur l’alimentation industrielle). Le souhait de voir la « règle verte » inscrite dans la Constitution, à savoir l’interdiction de prélever sur la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer, ni produire plus que ce qu’elle peut supporter, est réaffirmé.
Une « économie des besoins » plutôt que du PIB
Pour Lucie Mendez, militante au sein de la Gauche révolutionnaire, le plus important est d’en finir avec l’impunité des multinationales. (...)
Partant du constat que les règles du marché, de la concurrence libre et non faussée, ne permettent pas de répondre à l’urgence écologique, les Insoumis se donnent des objectifs sur le long terme, comme la sortie du nucléaire ou encore l’utilisation d’énergies 100 % renouvelables. « La planification est une méthode qui se réapproprie le temps long. Le temps des forêts n’est pas le temps des humains », dit Mathilde Panot. Autre mesure prévue : la rénovation de 700 000 logements par an, la fin des niches fiscales sans contrepartie environnementale, la rénovation du réseau d’eau potable, le tout serait chapeauté par un ministère de la Planification écologique. (...)
Partant du constat que les règles du marché, de la concurrence libre et non faussée, ne permettent pas de répondre à l’urgence écologique, les Insoumis se donnent des objectifs sur le long terme, comme la sortie du nucléaire ou encore l’utilisation d’énergies 100 % renouvelables. « La planification est une méthode qui se réapproprie le temps long. Le temps des forêts n’est pas le temps des humains », dit Mathilde Panot. Autre mesure prévue : la rénovation de 700 000 logements par an, la fin des niches fiscales sans contrepartie environnementale, la rénovation du réseau d’eau potable, le tout serait chapeauté par un ministère de la Planification écologique. (...)
Dans les allées du village militant, où de nombreuses associations comme Attac, Anticor, ou encore L214 avaient installé leurs stands, les débats étaient animés. (...)
Avec comme slogan l’Union populaire, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon entend s’adresser à la classe laborieuse, pour qui écologie peut rimer avec fermeture d’usine, taxes supplémentaires et plus largement, injustice. Comment mener une véritable politique écologique qui s’adresse au plus grand nombre ? « Nous voulons montrer qu’il est possible de faire une écologie avec un souci de justice sociale », défend Clémence Guetté. « On nous bassine les oreilles avec les gestes individuels. Pour nous, la réponse est systémique. C’est le système capitaliste qui est à l’origine de la destruction de la planète. L’écologie populaire doit se faire avec les gens et surtout sans taper toujours sur les mêmes personnes », explique-t-elle, en référence à la révolte des Gilets jaunes, dont le point de départ a été l’annonce de la hausse de la taxe sur le diesel.
« Laissez-moi gagner la primaire ! »
Avec une telle place accordée à l’écologie, l’idée d’une alliance avec Europe Écologie — Les Verts, fait son chemin. Éric Piolle, maire de Grenoble et Sandrine Rousseau, économiste, tous deux candidats à la primaire du parti, ont fait le déplacement et n’ont pas caché leur proximité avec les Insoumis.
Lors de la conférence intitulée « Quelle stratégie européenne en 2022 pour appliquer un programme de rupture », Sandrine Rousseau a été ovationnée par l’auditoire. (...)
Convaincre n’est pas gagné d’avance. Y compris parmi les sympathisants de la gauche, perdus entre un PS malmené pendant le mandat de François Hollande et la figure tutélaire d’un Jean-Luc Mélenchon, incarnation malgré lui de la politique de carrière. « C’est vrai qu’il peut être clivant », dit Franck, dans la foule chantant « On est là », refrain des Gilets jaunes. « Mais s’il respecte ses engagements, il instaurera la VIᵉ République et il laissera la place. »
Lors de son allocution, Jean-Luc Mélenchon a affirmé avoir recueilli 240 signatures sur les 500 nécessaires à sa candidature officielle. « Je ne me présente pas tout seul pour une aventure personnelle […] je me présente avec une équipe de 23 parlementaires que vous connaissez désormais et qui sont les héros de vos luttes », a-t-il proclamé sur scène, les concernés étant assis en rang derrière lui. « Je suis comme je suis, l’important c’est le programme », tranche-t-il, en renvoyant les électeurs à faire abstraction de son tempérament. Après plus d’une heure de discours, le chef de file s’est éclipsé, laissant son équipe répondre aux journalistes. Ce sont bien eux qui devront, pendant huit mois, convaincre les désillusionnés de la politique.