
Trois ans et demi après le tragique effondrement du Rana Plaza, les usines de fabrication textile du Bangladesh sont plus sûres –mais les conditions de travail des ouvriers toujours aussi cruelles.
Le 13 octobre au matin, Taslima Aktar s’est présentée à l’entrée d’une usine bangladaise appelée Windy Apparels, dans la banlieue industrielle d’Ashulia, où elle travaillait comme couturière depuis un an. Depuis deux semaines, la jeune femme de 23 ans se plaignait d’avoir de la fièvre et une toux sèche ; son responsable lui avait refusé plusieurs demandes de congés. Dix années dans l’industrie textile avaient enseigné à Taslima ce qu’il en coûtait de manquer une journée de travail sans autorisation –surtout juste avant l’expédition d’une grosse commande. Pour cette jeune femme de la campagne, ce travail dans une grande usine de fabrication de prêt-à-porter était le seul moyen de sortir de la pauvreté rurale. Un renvoi n’était tout simplement pas envisageable.
En entrant dans l’usine ce matin-là, elle se sentait déjà très faible, mais lorsqu’elle demanda à son supérieur la permission de rentrer plus tôt chez elle, il refusa de nouveau. Quelques instants plus tard elle perdit connaissance et fut dirigée vers l’infirmerie, avant d’être finalement renvoyée à sa machine à coudre. Lorsque la salle commença à se vider à l’heure de la pause déjeuner, elle s’écroula de nouveau. Cette fois, il fut impossible de la réanimer. Taslima fut transportée à l’hôpital le plus proche où son décès fut déclaré dix minutes après son admission. Son acte de de décès indique qu’elle est morte d’une crise cardiaque due à une « grave détresse respiratoire. »
« Voilà toute la valeur qu’ils accordent à nos vies »
Plus tard ce soir-là, ses collègues retrouvèrent son corps près des portes de l’usine. On leur expliqua que la direction attendait que son mari ait fini le travail dans une usine proche et vienne chercher son cadavre, m’expliqua l’un d’entre eux. « Voilà toute la valeur qu’ils accordent à nos vie », rapporta un autre collègue qui, avec un défenseur des travailleurs local, la mère de Taslima et d’autres ouvriers, a reconstitué les événements de la journée. « Nous savons que la même chose peut arriver n’importe quand, à n’importe lequel d’entre nous. » (...)