Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
le Monde Diplomatique
Microentreprise, une machine à fabriquer des pauvres
Article mis en ligne le 10 décembre 2017

Quand, en 2008, est créé le statut d’autoentrepreneur, les reportages enthousiastes fleurissent un peu partout. Neuf ans plus tard, les forçats du vélo font grève pour être payés correctement, les chauffeurs Uber sont en procès avec la plate-forme, les « indépendants » se mobilisent. En moyenne, les microentrepreneurs gagnent… 410 euros par mois, moins que le revenu de solidarité active (RSA).

u cœur de l’été 2017, le 11 août, en début de soirée, de gros sacs isothermes vert et gris s’entassent au pied de la statue de la République à Paris. À côté de leur barricade improvisée, plusieurs dizaines de livreurs de repas à vélo, travaillant en tant qu’autoentrepreneurs sous les couleurs de la multinationale britannique Deliveroo, s’accoudent à leurs guidons. Juridiquement parlant, comme ils sont travailleurs indépendants et non salariés, ils ne sont pas en grève : ils sont « déconnectés ». « C’est qui, les patrons ? » M. Jérôme Pimot, cofondateur du Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP), retourne le stigmate, hilare. « On est des patrons, oui. On doit entreprendre ? Allons-y ! Mais nous, c’est quand on fait masse qu’on a une chance de commander ! »

Partie de Bordeaux avant de s’étendre à Nantes, Lyon et Paris, la fronde a pour carburant la décision unilatérale de Deliveroo d’harmoniser par le bas le système de rémunération de ses « partenaires » — dans le lexique maison, on ne parle pas d’« employés » ; les nouveaux livreurs ne sont pas « embauchés », mais participent à des sessions d’« embarquement » ; ils ne sont pas accueillis par un directeur des ressources humaines (DRH) ou par des cadres, mais par des pairs qui ont le titre d’« ambassadeurs ». (...)

Comme elle l’avait fait un an plus tôt au Royaume-Uni, provoquant là aussi la révolte de ses bikers, la multinationale n’offre pas en France d’autre choix à ses soutiers que d’accepter le travail à la tâche ou d’aller voir ailleurs, sans autre forme de procès. (...)