
L’important mouvement social d’octobre repose la question : comment résister aujourd’hui face au néolibéralisme triomphant ? Comment ne pas se laisser submerger par un triste sentiment d’impuissance ? En l’absence de modèle alternatif livré clé en main, et sans promesse d’un avenir meilleur, la réponse, pour le philosophe et psychanalyste Miguel Benasayag, se trouve peut-être dans les expérimentations concrètes qui fleurissent partout dans le monde. Bref, apprendre à agir joyeusement « ici et maintenant » (...)
L’humain est une ressource absolument renouvelable. Nous n’arrêtons pas de nous renouveler tout le temps. D’ailleurs on adore ça. Il n’y a donc aucune raison pour que le néolibéralisme respecte l’humain. Il n’y a pas de radicalisation : le néolibéralisme applique simplement son plan de cassure de tout acquis, de toute barrière qui limite la seule recherche du bénéfices. » (...)
« Nous sommes les héritiers d’une pensée qui estime qu’un être humain conscient, qui pense, est un être humain qui sera du côté de la liberté. Et ça ce n’est pas vrai. Un être humain conscient qui pense peut être un salopard, voire pire. La conscience ne garantit absolument rien. Être conscient de ce qui se passe ne change pas les choses. Cet optimisme simpliste s’est cassé la gueule. Un homme éduqué n’est pas vacciné contre la barbarie. Si nous voulons que les gens puissent vivre autrement, il faut construire des pratiques d’éducation alternatives. Dans l’école, dans les quartiers, il faut que les mômes expérimentent que la solidarité est plus joyeuse que l’égoïsme. Si on l’explique à quelqu’un, il va comprendre, mais en pratique il restera de l’autre côté. Le grand défi, c’est de pouvoir éduquer à travers des pratiques transmissibles et non pas à partir de concepts compréhensibles. » (...)
« Qui refoule le conflit se condamne à l’affrontement violent. A chaque fois qu’il y a des grèves, le gouvernement dit : on a mal communiqué. Cela signifie : bande de cons, si vous sortez dans la rue, ce n’est pas parce qu’il y a un conflit respectable, c’est parce que vous n’avez pas compris. Donc soit je vous explique à nouveau, soit je vous écrase. Sur des problèmes culturels, religieux ou sociaux, il y a une série de conflits. Ce n’est pas pareil de dire : ces conflits existent, comment fait-on société ensemble, que de chercher leur résolution. S’il y a conflictualité, nous pouvons avoir des territoires et des projets en commun. C’est l’une des voies de reconstruction des résistances. »