Six mois après sa mise en œuvre, le paquet neutre n’a pas encore d’effet notable sur la consommation de tabac en France. Et les industriels ne se font pas prier pour redire leur opposition à cette mesure, quitte à s’arranger avec la réalité.
(...) L’arrêt d’une addiction aussi forte intègre un processus long et complexe.” Mais il n’en fallait pas moins pour que les cigarettiers se lancent dans une communication jubilatoire. “A ce stade, un semestre après son lancement, le paquet neutre ne semble pas avoir d’effet, assurait Eric Sensi-Minautier, directeur des affaires publiques et de la communication de British American Tobacco (BAT) en France, par voie de communiqué au mois d’août. L’Australie, qui a mis en place le paquet neutre en 2012, en est arrivée à la même conclusion.” Une vue complètement fausse de l’expérience australienne, largement diffusée par Philip Morris pour faire pression sur les autorités.
Raisonnement simpliste, communication mensongère
Les chiffres officiels de Canberra indiquent une nette baisse de la consommation dans ce pays qui comptait 25% de fumeurs dans les années 1990. Chez les jeunes notamment. La politique globale lancée par le pays au début des années 2010, dont l’instauration du paquet neutre en 2012 fait partie, a permis de passer de 15,1% de fumeurs chez les plus de 14 ans à 12,8 entre 2010 et 2013.
“La mesure a été efficace en Australie, il est faux de dire le contraire”, tranche Emmanuelle Béguinot. Pour dresser un bilan négatif de l’exemple australien, Philip Morris s’était appuyé sur une étude commanditée à l’Université de Zurich. Or, cette université est liée contractuellement au cigarettier, qui la finance. Et l’étude en question contient des “erreurs très graves”, expliquait Pascal Diethelm au Lanceur en 2016. “La plupart d’entre elles, prises individuellement, suffisent à invalider les résultats des articles, assénait-il. Prises dans leur ensemble, elles sont accablantes.”
“Ce n’est pas une mesure miracle qui va régler le problème du tabagisme, mais elle s’intègre dans un arsenal de dispositions”, explique Emmanuelle Béguinot. Le paquet standardisé “contribue à faire évoluer la perception des fumeurs par rapport au produit , assure-t-elle, ce qui participe à la volonté d’arrêter de fumer”. (...)
L‘arrivée des paquets kaki “a aussi permis, pour le jeune public, de mettre fin aux cigarettes avec des arômes attractifs, plus sucrés, plus suaves”, souligne Emmanuelle Béguinot. Sans compter l’attrait du packaging. L’attention des cigarettiers pour l’emballage, fréquemment relooké avant l’instauration du paquet neutre, prouve bien qu’il constitue un enjeu fort. “L’emballage et, au-delà, l’activité marketing, est un outil de concurrence et de fonctionnement du marché pour faire connaître un produit et se démarquer sur un marché qui reste concurrentiel”, explique Eric Sensi-Minautier. Mais, il n’en démord pas, “ce n’est pas le marketing qui crée des fumeurs”.
Paquet à 10 euros et péril noir
Si elle a été efficace en Australie, c’est aussi que l’instauration du paquet neutre a été adossée à d’autres mesures. Notamment à une forte augmentation des prix, supérieure à celle annoncée en France au début de l’été par la ministre de la Santé, Agnès Buyzin. Une hausse continue. (...)