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le Monde
Olivier Galland : "L’écart entre la jeunesse diplômée et la jeunesse qui décroche s’aggrave"
Article mis en ligne le 24 mai 2012
dernière modification le 21 mai 2012

Olivier Galland, sociologue, est directeur de recherche au CNRS, président du comité scientifique de l’Observatoire de la vie étudiante. Il dresse le portrait de ces jeunes, libres mais adultes sur le tard, dont le nouveau chef de l’Etat fait sa priorité.

(...) Les jeunes croient en leur propre avenir, pas en celui de la société. C’est le défi auquel sont confrontés les responsables politiques. Leurs réponses ne devront pas être trop générales car elles laisseraient de côté une partie de la jeunesse qui, défavorisée, en échec scolaire et sans porte-parole, est déjà laissée à l’abandon. Il faut se garder, en effet, de l’idée qu’il existerait en France une jeunesse partageant un destin commun et homogène. (...)

Ces dernières années, un mythe s’est développé autour de l’idée de déclassement générationnel. Or les jeunes font des études toujours plus longues ; ils occupent plus souvent qu’auparavant des postes de cadres ; leurs salaires augmentent... La structure sociale du pays s’élève : il y a davantage de cadres et moins d’ouvriers.

Cette tendance durable est favorable aux jeunes, à l’exception notable des crises économiques qui les affectent toujours plus durement. Ils sont aussi plus libres que ne l’étaient leurs aînés. On est loin du modèle éducatif tutélaire de l’après-guerre et de la tension qui existait entre les générations autour des valeurs. Dans les années 1980, les enquêtes sociologiques révélaient encore un clivage de valeurs entre les personnes âgées de moins de 40 ans et celles âgées de plus de 40 ans.

Il s’est aujourd’hui déplacé à 60 ans. (...)

Le CDI est un symbole très fort : c’est en le signant qu’on devient adulte, qu’on change de statut, qu’on peut faire des projets. Mais la route est longue et instable pour y parvenir. On retrouve d’ailleurs ici le clivage entre deux jeunesses. Les diplômés accèdent au CDI entre 25 et 30 ans dans 80 % des cas. Les autres, un jeune sur cinq, sont plus instables. Et certains d’entre eux sont menacés par l’exclusion sociale. (...)

Notre système éducatif est structuré autour de l’élitisme républicain. Son rôle est de diriger les meilleurs vers les filières les plus prestigieuses. Les autres sont orientés par défaut. Tout cela se fait au nom de l’égalité républicaine. Le problème, c’est que ce système rigide, traditionnel, tubulaire fonctionne mal aujourd’hui. Quand l’égalité devient uniformisation, elle produit des inégalités. Les enquêtes sociologiques menées auprès des jeunes de banlieue montrent bien cette rancoeur. L’école est la première institution de la République qu’ils rencontrent. Quand celle-ci leur dit : vous n’êtes pas capables de réussir, ça fait mal. (...)

L’écart entre la jeunesse diplômée et la jeunesse qui décroche s’aggrave aujourd’hui. C’est extrêmement grave. Cette exclusion sociale a été le ferment des émeutes de banlieue en 2005. Il est toujours présent et peut exploser à tout moment chez une jeunesse qui ne s’exprime pas selon le mode traditionnel des revendications et manifestations. C’est le même ferment qui provoque la radicalisation politique, qu’elle prenne la forme d’un vote d’extrême droite ou d’une dérive à la Mohamed Merah...

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