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« On est en train de manipuler le peuple par la religion, et la religion par le politique »
Article mis en ligne le 4 avril 2013

Le 6 février dernier, Chokri Belaïd, responsable du parti de gauche radicale Al Watad, est assassiné par balles devant son domicile, à Tunis. Plus d’un million de Tunisiens descendent dans les rues. L’évènement déclenche une grave crise politique. Pour Basma Khalfaoui, veuve du leader politique, il est temps de s’attaquer – enfin – aux vrais problèmes, économiques et sociaux, du pays. Et d’appeler à une réconciliation nationale.

(...) L’attitude de Basma Khalfaoui a marqué les esprits. Le jour de l’assassinat de son mari, le leader politique Chokri Belaïd, elle traverse la foule, digne et silencieuse, le visage marqué par la douleur, une main levée dessinant le « V » de la victoire. Devant son appartement, dans le quartier El Menzah, quelques fleurs, un drapeau tunisien, marquent l’endroit où a été assassiné son mari, dont le corps repose dans le carré des martyrs, au cimetière de Tunis. Avocate et mère de deux enfants, Basma Khalfaoui est devenue en quelques semaines le symbole de cette Tunisie en lutte pour les droits sociaux, la liberté de croyance, les droits de la femme. Si elle accuse Ennahda, le parti islamiste au pouvoir, de ne pas avoir protégé Chokri Belaïd, pourtant menacé, et d’avoir laissé s’installer un climat de violence politique, elle veut apaiser les tensions et appelle à des mobilisations pacifiques.
(...)

ce que Chokri Belaïd n’a pas arrêté de dire : ce gouvernement va instituer la violence, parce qu’il n’a pas de réponses, pas de solutions, et qu’il ne veut pas aborder les problèmes politiques, économiques et sociaux qui émergent. C’est un pouvoir totalitaire, dans la continuité de l’ancien régime : c’est normal qu’il instaure et couvre la violence, car c’est la faillite totale, économique et sociale. Économiquement, le pays s’écroule. C’est une manière de détourner l’opinion publique vers autre chose que ce qui constitue les centres d’intérêts de la population. (...)

Nous avons peur de cela. Et ce n’est pas tant une question de peur qu’une question d’analyse. Nous sommes quand même plus libres qu’avant la Révolution de janvier 2011. Mais si nous continuons dans ce processus de violence et d’oppression, on va finir par nous priver de liberté de parole, de circulation, de liberté de tout. Si on se laisse faire, la situation sera la même qu’avant le 14 janvier 2011. Si ce n’est pire (...)

Que la Haute instance des juges soit élue et non pas nommée par le gouvernement. Idem pour la Haute instance des journalistes. La séparation entre l’État et le parti, pour laisser de côté les pratiques de l’ancien régime, et instaurer une vraie révolution, une vraie démocratie. Une Haute instance pour les élections réellement indépendante. Le projet progressiste, c’est créer du travail, résoudre le problème du chômage, de cette richesse qui s’évade, avoir une équité sociale. Et la liberté de la femme, la liberté de croyance. Nous n’avons pas du tout de problème de religion en Tunisie d’habitude !

Ce problème entre musulmans et non-musulmans a été imposé d’une manière étrange à la société tunisienne (...)

Nous n’avons jamais connu ce problème : « Soit tu es musulman à la wahhabite, soit tu es athée. Et si tu n’es pas musulman, on doit te tuer ». C’est une réflexion très étrangère aux Tunisiens. C’est un problème qui nous est importé d’ailleurs. C’est justement ce que disait Chokri Belaïd. Il a dévoilé, expliqué, comment on est en train de manipuler tout le peuple par la religion, et de manipuler la religion par le politique. (...)

Pour trouver une solution politique, une sortie à cette situation, dans la paix, sans faire couler de sang, sans coup d’État, il faut s’asseoir autour d’une table, y compris avec Ennahda, pour discuter et redistribuer les rôles. Si Ennahda continue de refuser, tout le monde le paiera. (...)

Ce gouvernement a fait des promesses aux instances financières internationales, qui ne seront pas faciles à remette en cause. Mais je pense qu’ils sont en train de gagner du temps, pas de céder (...)