
Un nouveau centre de rétention administrative (CRA) a ouvert lundi à Lyon, dans le sud-est de la France. Depuis quatre ans, les autorités ont doublé les capacités d’accueil de ces structures réservées aux étrangers dans l’attente de leur expulsion. Les associations dénoncent, une nouvelle fois, une "carcéralisation des lieux de rétention" et une "criminalisation de l’immigration".
(...) Ce sont ainsi 140 nouvelles places qui ont été créées, portant à 280 le nombre total de places disponibles dans les CRA de la région lyonnaise. (...)
En quatre ans, la France a doublé ses capacités d’accueil en CRA, ces structures où sont enfermés les étrangers en situation irrégulière dans l’attente de leur expulsion. Trois nouveaux centres devraient voir le jour prochainement : près d’Orléans, à Bordeaux et en région parisienne (Mesnil-Amelot). La création de ces nouveaux lieux portera à 2 157 le nombre de places en CRA, contre 1 069 en 2017.
"Aspect carcéral"
Une multiplication des lieux d’enfermement qui s’accompagne d’un "durcissement aux frontières du droit", a déclaré Paul Chiron, un responsable de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE), lors d’une conférence lundi 17 janvier sur le sujet.
On assiste à une "carcéralisation des lieux de rétention", a pour sa part estimé Olivier Clochard, géographe et membre du collectif Migreurop. Tout dans le fonctionnement de ces lieux "rappelle les dispositifs carcéraux", a-t-il ajouté. Les CRA sont encadrés par des clôtures et des barbelés, qui évoquent les centres de détention. (...)
De plus, comme dans les prisons où il existe des quartiers d’isolement, les CRA possèdent leurs cellules "d’enfermement dans l’enfermement", a dénoncé lors la conférence de l’OEE Maud Hoestlandt, directrice des affaires juridiques de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté. (...)
Dans un rapport daté de 2020, la contrôleure générale Adeline Hazan déplorait déjà que les CRA revêtaient de plus en plus un "aspect carcéral" en "décalage complet avec leur fonction".
"Atteintes aux droits fondamentaux"
Pour ces personnes enfermées en raison de leur situation administrative, c’est "un moment propice aux atteintes à la dignité et aux droits fondamentaux", a souligné Maud Hoestlandt, en diffusant des photos de cellules dotées d’un simple matelas posé sur un bloc de béton carrelé et de toilettes, "comme en garde à vue".
Selon les membres associatifs, le rallongement de la durée maximale de rétention (de 45 à 90 jours), instauré dans la loi Asile et immigration de 2018, "a conduit à banaliser ces modes d’enfermement" et permet "d’aller vers une forme de criminalisation de l’immigration", a indiqué Olivier Clochard. (...)
"Placements abusifs"
Les CRA de l’Hexagone ont abrité de nombreux clusters depuis le début de la pandémie. Celui du Mesnil-Amelot par exemple, en région parisienne, en a connu au moins trois en un an et demi. Face à cette situation, la Cimade a décidé en décembre dernier de se retirer temporairement du centre. (...)
Au plus fort de la crise, les étrangers ont continué à être placés en détention alors que les liaisons aériennes étaient suspendues pour limiter la propagation du Covid-19.
Ces "placements abusifs" ont provoqué un sentiment d’injustice "de plus en plus fort" chez les étrangers enfermés, "se traduisant par des actes extrêmes qui se multiplient, tels que des automutilations, des grèves de la faim, des départs de feu etc.", décrivait en août 2020 la Cimade.
Depuis 2017, au moins sept personnes retenues dans ces centres sont mortes. Le dernier décès en date remonte à fin novembre 2021, quand un homme enfermé à Rouen a mis fin à ses jours.
"Obsession de l’enfermement"
Mais les CRA ne sont pas les seules structures réservées aux étrangers à être pointées du doigt. Dans une tribune publiée lundi 17 janvier sur le site internet de Libération, un collectif de membres associatifs, d’intellectuels et de personnalités a appelé à fermer les "zones d’attente" aux frontières (...)
"Si les conditions d’entrée ou de séjour ne sont pas réunies, on trie, on enferme, on renvoie", énumèrent les signataires de la tribune, notamment portée par l’Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers).
"Par leurs pratiques, les autorités françaises violent quotidiennement les droits fondamentaux au nom d’une obsession de l’enfermement", peut-on lire dans la tribune. L’objectif, selon les auteurs du texte, est d’"exciter les peurs et instiller dans l’opinion publique l’idée que les étrangers représenteraient un danger".