
Les travaux récents menés par de jeunes économistes, comme Lucas Chancel, l’ont bien montré : la quantité de CO2 que l’on émet est fortement déterminée par notre niveau de vie. Nous ne sommes donc pas tous pareillement dangereux pour la planète. Le rapport « Les milliardaires français font flamber la planète et l’Etat regarde ailleurs », qu’Oxfam et Greenpeace publient ce 23 février, en donne une nouvelle illustration.
Pour donner à voir l’ampleur des inégalités climatiques, les deux ONG ont calculé l’empreinte carbone financière de plusieurs milliardaires français – c’est-à-dire la quantité d’émissions de CO2 générée par leurs actifs financiers. Le résultat est « vertigineux » : le patrimoine financier des 63 milliardaires français qu’ils ont intégré à leur étude émet au total quelque 152 millions de tonnes de CO2 en une année, soit autant de gaz à effet de serre que celui de presque 50% de la population française. A eux seuls, les trois milliardaires français qui trustent les premières places de ce classement émettent, via leur patrimoine financier, autant que les actifs financiers de 23,4% des ménages français. (...)
Si les deux ONG ont choisi de limiter leur étude à la question du patrimoine financier des milliardaires, c’est, affirment-elles, parce que le poids carbone de ces actifs financier est mal connu, et donc trop souvent minoré voire oublié. (...)
"« Plus encore que leur mode de vie, c’est leur patrimoine financier, via leur participation dans des entreprises polluantes, qui est le poste le plus important de leur empreinte carbone totale. »"
Gérard Mulliez épinglé (...)
« L’empreinte de son patrimoine financier est telle que Gérard Mulliez (et sa famille) émet au moins autant de CO2 que 11 % de ménages français, soit plus que tous les habitants d’une région comme la Nouvelle-Aquitaine », notent les auteurs du rapport. (...)
« Alors que la population française est appelée à faire de plus en plus d’efforts face au changement climatique, que l’Etat s’est fixé des objectifs de réduction des émissions de CO2, les grandes entreprises ne sont aujourd’hui soumises à aucune obligation significative, telle que la publication d’une trajectoire de réduction de leur empreinte carbone totale, sous peine de sanction financière », déplorent Greenpeace et Oxfam, appelant à la mise en place d’une taxe sur les dividendes pour les entreprises qui ne respectent pas l’Accord de Paris.
Des chiffres probablement « sous-évalués »
Bien que saisissantes, les estimations de l’empreinte carbone financière des milliardaires mises en avant au sein de cette étude sont probablement « sous-évaluées », soulignent les deux ONG. (...)
Si ces estimations de l’empreinte carbone financière des milliardaires sont partielles, leur ordre de grandeur témoigne, pour Oxfam et Greenpeace, de l’absolue nécessité de s’attaquer à ces niveaux inouïs d’inégalités, afin de garantir « un partage juste de l’effort dans la transition écologique à accomplir ». Alors que les enjeux écologiques sont pour le moment absents de la campagne présidentielle, les deux ONG font une série de recommandations, dont la plus emblématique est l’instauration d’un impôt sur la fortune (ISF) climatique, une mesure ardemment défendue par l’économiste Lucas Chancel, et proposée par plusieurs candidats de gauche. (...)
Oxfam et Greenpeace militent pour que l’ISF, supprimé par Emmanuel Macron au début de son quinquennat, soit non seulement restauré mais aussi complété : un malus assis sur l’empreinte carbone des avoirs financiers serait désormais inclus dans son calcul. (...)
Dernier avantage de l’ISF climatique : en rendant l’inaction climatique des catégories les plus fortunées plus coûteuse, il pourrait les inciter à décarboner leur portefeuille d’investissement, voire à revoir le modèle économique de leurs entreprises, veut croire Alexandre Poidatz : « Non seulement les milliardaires ont, de par leur énorme niveau d’émissions, une responsabilité plus grande dans le réchauffement climatique. Mais ils ont aussi davantage de capacités pour les réduire car ce sont eux qui détiennent l’appareil de production. Ce sont eux qui formatent l’économie. »