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La quadrature du net
Partage de données : le renseignement français encore et toujours dans l’illégalité
Article mis en ligne le 3 juillet 2019

La Quadrature du Net vient de déposer un nouveau recours devant le Conseil d’État contre les activités de partage de données entre services de renseignement.

Comme le révélait le journal Le Monde fin avril, depuis 2016, une infrastructure dédiée au siège de la DGSE permet aux services d’échanger des données collectées dans le cadre de leurs activités de surveillance, et ce sans aucun encadrement juridique. Ces activités illégales posent de nouveau la question de l’impunité des responsables du renseignement et des autorités de contrôle, et doivent cesser au plus vite. (...)

Fin 2016, lorsque l’on découvrit l’existence d’un contrat conclu entre la DGSI et Palantir, il devenait clair que les belles promesses de 2015 avaient fait long feu. Pour passer les téraoctets de données perquisitionnées dans le cadre de l’état d’urgence à la moulinette du Big Data, la DGSI s’offrait donc les outils d’analyse de cette sulfureuse entreprise liée au complexe militaro-industriel étasunien. Les caciques du renseignement français laissaient ainsi entendre que, chaque fois que le droit s’écarterait un peu des possibilités offertes par les technologies modernes de surveillance, le droit devrait s’incliner. (...)

Fin avril 2019, le journal Le Monde révélait une autre affaire, à savoir l’existence de l’« entrepôt », surnom d’un « bâtiment ultrasécurisé » attenant au siège de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), à Paris. Une sorte de data center dédié à la mutualisation des données entre services de renseignement. Sa création et son financement auraient été décidés en janvier 2016 sous l’autorité de François Hollande. Et au mois de juillet 2016, une des lois de prolongation de l’état d’urgence était venue fournir un semblant de base légale à cette infrastructure technique, en modifiant un article dédié — l’article L-863-2 — dans le Code de la sécurité intérieure1. (...)

Que se passe-t-il lorsque les données relevant de ces pouvoirs exorbitants sont versées au pot commun dans lequel peuvent potentiellement venir piocher des dizaines de milliers d’agents, relevant de services aux compétences et aux missions très diverses (TRACFIN, douanes, direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, bureau central du renseignement pénitentiaire, ANSSI, service central du renseignement territorial, etc.) ? Certes, le gouvernement a déjà fait évoluer la loi l’an dernier pour faciliter la surveillance de résident·es français·se à partir du régime applicable aux communications internationales, là encore au mépris des engagements de 2015. Pour autant, celui-ci couvre un champ restreint. Faute d’être rigoureusement encadrés par la loi, l’essentiel des partages de données pratiqués à l’entrepôt de la DGSE sont donc nécessairement illégaux et profondément attentatoires aux droits fondamentaux.

La Quadrature vient donc d’attaquer ce dispositif devant le Conseil d’État (voir notre mémoire introductif). Dès que possible, nous soulèverons également une question prioritaire de constitutionnalité dans le cadre de cette procédure, afin de faire invalider l’article L. 863-2. Et avec lui, c’est l’ensemble des activités de partage de données entre services qui devra cesser en attendant que la loi soit précisée et que la transparence soit faite sur ces pratiques.

Au-delà, cette affaire pose aussi la question de la responsabilité, et de l’impunité récurrente, non seulement des hauts responsables politiques et administratifs du renseignement qui président à ces activités illégales, mais aussi de leurs autorités de contrôle (la CNCTR et Conseil d’État) qui acceptent de les couvrir.