
Les deux tiers des personnes pauvres vivent au cœur des grands pôles urbains. Le tiers qui reste habite pour 17 % dans les communes périurbaines, 13,4 % dans les petites et moyennes agglomérations ou leurs communes proches et 5,4 % dans les communes rurales isolées. En livrant pour la première fois des données sur la répartition par type de territoire [1], l’Insee a définitivement tordu le coup à une thèse en vogue selon laquelle la France de la relégation serait celle des territoires ruraux, des petites villes et du périurbain.
En masse, la France pauvre vit tout au bord du périphérique, elle n’a rien de périphérique. L’immense majorité des pauvres logent dans les grandes agglomérations et leur banlieue proche, où se concentrent les inégalités. Dans les villes-centres des grandes aires urbaines, le niveau de vie maximum annuel des 10 % les plus pauvres est de 4 400 euros, contre 8 000 dans la France périurbaine…
Une partie du succès de « la France périphérique » est une forme de mea culpa : on a tellement raconté n’importe quoi sur les classes moyennes, que l’on tord le bâton dans l’autre sens. Après nous avoir livré des tonnes de « moyennisation » dans les années 1990, voici la France moyenne « étranglée », matraquée par les impôts. Cette thèse permettait aussi d’opposer de façon populiste - non sans arrière-pensée - les couches populaires et moyennes du périurbain et celles des cités, souvent d’origine immigrée. Les intellectuels de gauche enfin réconciliés avec le peuple, sur le dos des quartiers. De Libération au Figaro, tout le monde était d’accord sur la profondeur de l’analyse.
Les pendules sont, enfin, remises à l’heure, mais il faut désormais aller un peu plus loin. Tout d’abord, en se méfiant de l’excès inverse. Le misérabilisme des zones urbaines sensibles n’aide pas davantage à comprendre leur réalité bien plus complexe. Quelques dizaines de quartiers sont en très grande difficulté, mais la France du périph’ est loin d’être celle de ghettos, victimes d’un « apartheid » territorial, selon les mots du Premier ministre. Ou alors, les mots n’ont plus aucun sens.
De la même façon, si les pauvres ruraux sont rares, ils n’en existent pas moins. (...)