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Attac France
Pavillons de complaisance : Marins noyés, perdus, marins abandonnés
/Canal+
Article mis en ligne le 31 octobre 2013
dernière modification le 28 octobre 2013

Au long cours, les marins naviguent de moins en moins sous le pavillon de leur pays. La pratique des pavillons de complaisance a envahi et pollué la plus grande partie des flottes marchandes.

Loin d’Afrique et d’ailleurs

Combien sont-ils, sur tous les océans, les marins d’Afrique ? Tous ensemble, ils ne constituent qu’une petite partie de l’effectif des flottes marchandes internationales, mais celui-ci dépasse le million. Le Ghana vient en tête des africains, avec près de 10 000 marins. Philippins, turcs, indiens, croates, pakistanais… beaucoup d’autres galèrent avec eux pour alimenter nos riches contrées en combustibles et produits exotiques, en bois des forêts massacrées, en riches minerais pillés, à bas prix. Pour porter en retour nos excédents agricoles, nos produits manufacturés, très chers ceux-là. Et même, de plus en plus, pour assurer les échanges entre pays industrialisés. Les uns et les autres, originaires des pays pauvres du Sud et maintenant des pays ruinés de l’Est, combien sont-ils ? Une large majorité, maintenant, dans la flotte mondiale. S’ils s’arrêtaient d’un coup, ce serait la grande panne des sociétés modernes.

Au long cours, les marins naviguent de moins en moins sous le pavillon de leur pays. La pratique des pavillons de complaisance a envahi et pollué la plus grande partie des flottes marchandes. Simultanément, les conditions sociales et de travail des marins du monde n’ont cessé de se dégrader. Paye minimale, horaires illimités, précarité totale et droits nuls, ils deviennent les “ damnés de la mer ” . Pas tous, mais de plus en plus, car la frange d’exploitation la plus sauvage ne fait que se développer.
Complaisances et complicités

Dans cette activité très tôt mondialisée, de drôles de jeux se jouent depuis la décolonisation. Les acteurs majeurs, entreprises transnationales industrielles et maritimes, finance internationale, se sont fait de plus en plus discrets derrière les écrans multiples de la complaisance et des paradis financiers. Pour une part croissante, ils ont abandonné le secteur à des sous-traitants multiples, attirant toute une faune interlope qui se raccorde aisément à la grande criminalité internationale. Dans une complicité générale, les réglementations nationales sont dépassées sans que des règles internationales, dont les bases conventionnelles existent pourtant, prennent le relais. Les espaces virtuels des paradis de complaisance sont par définition hors les lois, dans l’indifférence ou la complicité des États et organismes internationaux.


Alors est revenu le temps des marchands d’hommes.
(...)

On se croirait revenu aux temps les plus sombres de la révolution industrielle. En pire, sans doute, car s’y mêlent les résurgences de la relation coloniale, des temps du mépris. Des pratiques anciennes, que depuis l’époque du capitalisme sauvage nos pays industrialisés avaient à peu près éliminées de leur sol, reviennent ici en force, surfant sur la vague de libéralisation et déréglementation forcenée que l’on appelle abusivement “ mondialisation ”. C’est une monstrueuse régression, signe avant-coureur de ce qui peut nous attendre si une autre mondialisation, celle des droits humains, économiques et sociaux, ne parvient pas à prendre le dessus.

Tout n’est pas au même point de dégradation. Dans cette jungle qu’est devenue la navigation maritime internationale, il y a de tout, et même des armateurs honnêtes, des syndicats, des marins bien traités. Prenant prétexte de cette diversité, responsables économiques et politiques cultivent l’idée tenace et stupide qu’il y a une bonne et une mauvaise complaisance, et qu’il suffirait de lutter contre les excès de la seconde.

En réalité c’est le principe de complaisance lui-même qu’il faut condamner, et sa pratique qui doit être éradiquée. (...)

Dans les franges dégradées de la navigation maritime internationale, qui sont de plus en plus larges, ce ne sont qu’armateurs pirates, bateaux pourris, coulés, saisis dans les ports. Marins accidentés, noyés, assassinés parfois … ou simplement jetés, abandonnés. Le système de la complaisance produit et reproduit en continu cette zone maudite, qui continue à donner profit aux exploiteurs de l’extrême, et qui tend en retour à contaminer l’ensemble. Car, sur des marchés débarrassés des régulations les plus fondamentales, le moins cher fait prime et devient la norme. (...)

La complaisance maritime est un phénomène mondial. Mais chacun doit balayer devant sa porte. Pour nous cette évolution est encore un produit dérivé des relations coloniales. Les promoteurs et profiteurs financiers, maritimes, industriels, de ce système sont des entreprises des pays qui se partagèrent le monde jadis, et ne cessent de se le repartager. Les pavillons de complaisance et paradis fiscaux ont bien des secrets pour nous, pas pour eux. Qu’ils laissent aux opérateurs interlopes ou franchement criminels les larges franges les plus dégradées de leur système ne dégage en rien leur responsabilité, car c’est ce système qui produit et développe sans cesse de telles zones d’ombre.

Nous l’avons dit, pouvoirs publics et responsables économiques paraissent se voiler la face, en une complicité générale, chez nous comme ailleurs. (...)