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Pour le climat, limitons le nombre d’avions
Laurent Castaignède est ingénieur de l’École centrale Paris, fondateur du bureau d’études BCO2 Ingénierie (www.bco2.fr) et auteur de Airvore ou la face obscure des transports, écosociété, 2018.
Article mis en ligne le 23 mai 2019
dernière modification le 22 mai 2019

Messieurs les dirigeants de l’aviation civile,

Je me permets de vous écrire pour vous proposer de relever un immense défi à la hauteur de vos compétences et de vos responsabilités : contribuer efficacement à endiguer la catastrophe planétaire en cours affectant la biosphère, laquelle subit de plein fouet un changement climatique d’une ampleur inédite depuis des millions d’années, mais aussi un effondrement de la biodiversité (dont la santé se dégrade par ailleurs, espèce humaine incluse).

Nous fêtons bientôt le 110e anniversaire de la première traversée de La Manche en avion par Louis Blériot, ce qui est une très bonne occasion pour faire le point sur le formidable développement de l’aviation civile. En effet, que de succès techniques et commerciaux cumulés depuis : traversée de l’Atlantique en 1927, décollage exponentiel de l’aviation commerciale, mise au point des moteurs à réaction, vols supersoniques, ouverture massive des aéroports aux touristes.

Mais comme l’écrivait l’économiste et philosophe autrichien Leopold Kohr, « whenever something is wrong, something is too big » [1]. Le fait d’« être trop gros », n’est-ce pas le cas aujourd’hui de l’aviation civile qui n’a pas su, ou pu, maîtriser les dérives de son expansion ?
« La vérité, pour l’un, fut de bâtir ; elle est, pour l’autre, d’habiter »

Afin d’illustrer mon propos, je citerai le plus célèbre des écrivains-aviateurs, Antoine de Saint-Exupéry :

La machine n’est pas un but. L’avion n’est pas un but, c’est un outil. Un outil comme la charrue. […] Dans l’exaltation de nos progrès, nous avons fait servir les hommes à l’établissement des voies ferrées, à l’érection des usines, au forage de puits de pétrole. Nous avions un peu oublié que nous dressions ces constructions pour servir les hommes. Notre morale fut, pendant la durée de la conquête, une morale de soldats. Mais il nous faut, maintenant, coloniser. Il nous faut rendre vivante cette maison neuve qui n’a point encore de visage. La vérité, pour l’un, fut de bâtir ; elle est, pour l’autre, d’habiter. »
- Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes, Paris, Gallimard, 1939, p. 58-59, extrait du chapitre III, « L’avion ».

Ne laissez pas croire à nos enfants que l’aviation est un dû dont tout le monde pourrait un jour aisément profiter

Ma demande ne consiste pas à laisser la concurrence entre avionneurs s’emparer immédiatement de parts de marché devenues vacantes, mais à établir un consensus international très ambitieux : exiger de ne mettre en service un avion neuf qu’en remplacement d’un vieil avion de même capacité qui partirait à la casse. (...)