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Observatoire des Inégalités
Pourquoi l’école française est-elle si inégalitaire ?
Extrait de du magazine Alternatives Economiques - Hors-série n° 088 - février 2011.
Article mis en ligne le 2 décembre 2011
dernière modification le 29 novembre 2011

L’école française est aussi inégalitaire parce que la société l’est. Mais aussi parce que le système éducatif favorise les plus favorisés. Une analyse de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.

(...) Sur les 81 élèves entrés à l’Ecole nationale d’administration (Ena) en 2009, seuls quatre avaient un parent ouvrier. En troisième cycle à l’Université, les fils et les filles d’ouvriers ne sont pas mieux lotis : ils ne représentent que 4,5 % des doctorants. Ces inégalités sociales ne commencent pas dans l’enseignement supérieur : elles sont au contraire le résultat d’un processus observable dès la petite enfance. Ainsi, en sixième, le score moyen en mathématiques des enfants de cadres est déjà supérieur de 16 points à celui des enfants d’ouvriers.

Le caractère inégalitaire de l’école française n’est pas nouveau. Ce que l’on mesure en revanche de mieux en mieux, c’est que le système hexagonal est l’un des plus inégalitaires parmi les pays riches. Tel est notamment l’un des enseignements du Programme international pour le suivi des élèves (dit "Pisa") mené par l’OCDE auprès de 470 000 jeunes de 15 ans dans 65 pays. (...)

Ces inégalités scolaires sont tirées notamment par un culte du diplôme particulièrement fort dans notre pays. Les diplômes y exercent en effet une emprise plus importante que dans d’autres pays sur le destin social des individus au-delà de l’école elle-même [2]. Dans un contexte de "lutte des places", cette survalorisation des diplômes aiguise la compétition scolaire en la chargeant d’enjeux encore plus lourds, et la rend d’autant plus impitoyable pour les plus faibles. (...)

Par ailleurs, ces inégalités de réussite ne sont pas la contrepartie d’un niveau plus élevé des élèves : si l’on en juge par ses résultats dans les différents domaines explorés par les enquêtes Pisa (mathématiques, sciences, compréhension de l’écrit), le modèle scolaire hexagonal présente des performances très moyennes par rapport aux autres pays riches examinés par les enquêtes Pisa. Comme l’a montré la sociologue Nathalie Mons [3] les pays qui réussissent le mieux sont ceux qui cherchent au contraire à élever le niveau moyen en unifiant au maximum les parcours.
(...)

D’où viennent ces inégalités scolaires ? D’abord du milieu social d’origine.
(...)

Ensuite, la ségrégation sociale croissante au niveau des territoires fait que les "bons" élèves se retrouvent de plus en plus souvent dans les mêmes établissements et les "mauvais" dans d’autres.
(...)

La singularité française est de cultiver un système élitiste qui n’a rien de républicain. (...)

Dans les années 1970 et 1980, pour rattraper le retard considérable qu’elle avait pris en matière d’éducation, la France a ouvert les portes de ses collèges et lycées au plus grand nombre. Mais elle n’est pas allée au bout de cet effort.
(...)

collèges et lycées ont continué et continuent encore de favoriser les enfants de diplômés (...)

Et ces inégalités se poursuivent dans l’enseignement supérieur (...)

Les mesures prises depuis plus de dix ans en France ont encore dégradé la situation. Les dispositifs de soutien pour les plus défavorisés - des zones d’éducation prioritaire jusqu’au soutien individuel - se sont développés avec des moyens très réduits. Au nom de l’échec d’un "collège unique" qui n’a jamais eu les moyens de réussir, on a progressivement recréé des filières de sélection précoces à partir de la classe de troisième, qui constituent un puissant facteur d’inégalités sociales. La réduction du nombre d’enseignants, en particulier dans les réseaux d’aides aux élèves en difficulté (Rased), pénalisent encore les plus défavorisés. Enfin, sans surprise, l’assouplissement de la carte scolaire n’a fait que renforcer la ségrégation scolaire. (...)

Tout porte à croire que cette situation ne changera pas de sitôt, en tout cas aussi longtemps que le contexte économique et social sera marqué par les effets de la crise et des politiques budgétaires restrictives. (...)

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