
Une carte de l’Europe centrale et orientale, mise en perspective historique, permet de comprendre, sans pour autant justifier l’attitude russe, la perpétuation du conflit à l’est de l’Ukraine, et la série d’accords de Minsk successivement violés.
Il y a 25 ans, la dissolution du bloc soviétique
Avant 1989, l’URSS dominait un bloc comportant les trois pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie), le tiers nord-est de l’Allemagne, la Tchécoslovaquie d’alors (aujourd’hui, République tchèque et Slovaquie), la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie. L’ex-Yougoslavie, regroupant alors Serbie, Slovénie, Bosnie, Croatie, Monténégro, Macédoine, et l’Albanie, faisaient bande à part dans ce bloc. La Finlande avait réussi miraculeusement à tenir tête à l’armée soviétique en 1939, et à signer un traité de paix en 1940, garantissant son indépendance au prix de la perte de l’isthme de Carélie .
Une vingtaine d’années plus tard, le bloc soviétique est complètement dissous. L’Allemagne est réunifiée, pays baltes, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Hongrie, Bulgarie, Roumanie, Croatie, non seulement ont rejeté totalement toute tutelle de ce qui est redevenue la Russie, mais sont même entrés dans l’Otan et dans l’Union européenne, voire dans la zone euro. Serbie, Monténégro, Macédoine, Bosnie, ne pensent qu’à rentrer eux aussi dans l’Union européenne. A l’ouest de la Russie, Biélorussie, Moldavie et Ukraine restaient les seuls ex-républiques soviétiques sous tutelle russe.
Les démocrates ne peuvent que se réjouir évidemment de ces passages à la liberté – théoriques, car nombre de ces pays sont soumis à des quasi-dictatures ploutocratiques – d’environ 150 millions de personnes. Mais pour les ex-citoyens de l’Union soviétique, l’effondrement de leur bloc n’a pas été aussi positif que leur promettaient les bons conseilleurs occidentaux. C’est Gorbatchev qui avait raison quand il préconisait un passage progressif à l’économie de marché. Il était d’ailleurs appuyé par divers économistes européens comme Lionel Stoléru. (...)
L’erreur du maintien d’une Otan qui ne sert à rien
Créé en avril 1949, par les cinq pays européens signataires du Traité de Bruxelles (Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni) , le Canada et les Etats-Unis, agrégeant ensuite jusqu’à 28 pays, l’Otan n’avait pour seul vrai but que de s’opposer à toute tentative d’invasion militaire soviétique à l’ouest. Il disposait, contre elle, d’armes nucléaires américaines, stockées en Europe, sous double clé.
A partir de la chute du Mur et de la décomposition de l’empire soviétique, l’Otan perdait totalement sa légitimité. Aucune réflexion officielle, politique, n’a été engagée pour discuter des nouvelles missions qui pouvaient lui être assignées alors que son ennemi potentiel n’en était plus un. Non seulement parce que le bloc soviétique s’était dissous, mais parce que son centre, redevenu seule Russie, était lui-même en incapacité de constituer la moindre menace militaire.
Si les Euro-Américains ont maintenu l’Otan, ce « nom de plume de l’Occident », c’est pour une série de mauvaises raisons complémentaires (...)
Très franchement, elle est aujourd’hui quasi nulle. Un interlocuteur me disait récemment, en guise de boutade, qu’il ne servait plus qu’aux femmes de généraux – y compris françaises puisque nous avons bêtement rejoint, sous Sarkozy, l’état-major de l’Otan – à mettre, de temps à autre, leurs robes du soir… !
Mais ce faisant, nous avons continué d’agiter une sorte de chiffon rouge aux yeux de Poutine, surtout en proposant aux anciens pays occidentaux du bloc soviétique d’entrer dans l’organisation. Ceux-ci se sont empressés de le faire, terrorisés par l’idée que l’« ours » russe pouvait encore frapper, voire envahir, ce qui n’a pu évidemment qu’aggraver la hargne du dirigeant russe.
L’Union européenne n’a pas à s’étendre plus à l’est
Mais l’Union européenne n’a pas été en reste dans la provocation. Elle s’est élargie trop vite et trop loin, sous la pression de la Grande-Bretagne, pour laquelle c’était une garantie de paralyser toute tentative d’intégration politique plus poussée, toute décision devenant impossible à 28 et plus. Sur ce plan la diplomatie anglaise, a, par parenthèse, remarquablement réussi. Il est heureux pour l’Europe que la Turquie se soit, ces derniers temps, éloignée d’elle-même de l’Union ! Mais aller proposer, en septembre 2014, un accord d’association, avec perspective d’adhésion, à l’Ukraine était une provocation totalement inutile dont d’ailleurs, l’économie européenne n’aurait su que faire.
La conclusion est simple. Les sanctions économiques et financières n’y feront rien. Elles ne font au contraire que souder le peuple russe autour de Vladimir Poutine qui manie excellemment la démagogie. Celui-ci continuera de harceler militairement ceux de ses proches voisins, ex-républiques de l’URSS, pour les tenir hors de portée politique de l’Union européenne. Avec l’argument éternel – et dangereux, puisqu’il fut celui de Hitler pour les Sudètes – de la protection des russophones qui vivent dans ces Etats.
Si l’on veut entrer en négociation sérieuses pour fixer définitivement les frontières à l’Est, la condition nécessaire est la cessation immédiate de tous achats militaires et de toutes manœuvres de l’Otan, bref, une dissolution de facto, et l’affirmation claire que les frontières Est de l’Union européenne sont fixées.
On cesserait alors de s’entretuer à deux heures de Paris, et une coopération économique bien plus fructueuse pourrait se redévelopper avec la Russie et les autres pays de l’Est, qui a au moins autant d’intérêt pour l’Europe que le Traité transatlantique en cours de discussion ! Sans compter une coopération diplomatique évidemment très utile dans les conflits proche-orientaux.