
Le projet de loi sur la protection de l’enfance arrive en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale ce mercredi 29 juin. Près de 500 amendements sont déposés pour demander, notamment, la réécriture des articles qui concernent l’accueil des mineurs non accompagnés.
C’est un sujet hautement inflammable qui arrive devant la commission des affaires sociales, ce mercredi 30 juin. Ce projet de loi, au titre pourtant a priori consensuel de « Protection des enfants », sera ensuite examiné en séance le 6 juillet.
Au fil de ses 16 articles, cette réforme de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) doit améliorer le quotidien des enfants placés. Pourtant, deux articles spécifiques aux mineurs non accompagnés (MNA), ces jeunes migrants arrivés seuls en France, pourraient polariser les débats, au grand dam des acteurs de la protection de l’enfance qui font valoir que ce système à bout de souffle valait mieux qu’une polémique. (...)
Ainsi, l’article 14 revoit la clé de répartition des mineurs non accompagnés sur le territoire et l’article 15 généralise le recours au fichier d’aide à l’évaluation de la minorité (AME). « Je ne vois pas ce que de telles mesures sécuritaires viennent faire dans un texte qui porte sur la protection de l’enfance », dénonce ainsi la députée Isabelle Santiago (PS). Au total, près de 500 amendements ont été déposés afin, notamment de les réécrire. (...)
Mieux gérer le flux des jeunes migrants
Pour le gouvernement, mieux gérer le flux des jeunes migrants apparaît pourtant comme une nécessité, au nom même de leur protection, et alors que leur nombre est passé « de moins de 10 000 pris en charge par la protection de l’enfance fin 2015 à un peu plus de 31 000 fin 2019 », note le bilan d’impact du projet de loi. Saturation des services de l’ASE, stigmatisation… les mineurs non accompagnés sont devenus, ces dernières années, un objet de controverse politique, « avec un certain nombre d’outrances et d’amalgames », poursuit l’exposé des motifs du texte. Face à cela, le gouvernement revendique une « approche globale et équilibrée » de la question. (...)
Ce projet de loi renforce, en fait, « la suspicion à l’encontre des mineurs non accompagnés », rétorque la Fondation Apprentis d’Auteuil, rejointe par l’ensemble des associations du secteur et la Défenseure des droits. Toutes dénoncent la généralisation du fichier d’aide à l’évaluation de la minorité (AEM) dont dépend ou non la prise en charge du jeune par la l’ASE.
Si le texte devait être voté en l’état, cet outil deviendrait obligatoire sous peine de sanction financière. (...)
15 départements refusent d’utiliser le fichier
Les acteurs de la protection de l’enfance craignent dès lors de devenir le bras armé des préfectures, puisque les informations récoltées devront leur être remontées. Ce mélange des genres est pointé depuis 2016, quand l’AEM a vu le jour, rappelle Michel Caron, président de l’Alefpa, auteur d’un rapport sur les mineurs non accompagnés en 2020. « La droite avait demandé la création d’un tel fichier, qui donne accès à tous les antécédents administratifs d’un migrant mineur. Cela avait été accordé à la condition qu’il reste facultatif. » Depuis d’ailleurs, quinze départements se refusent toujours à l’utiliser, dont Paris et la Seine-Saint-Denis. (...)
Cette fronde s’explique aussi par le fait que l’AEM donne notamment accès aux bases de données des demandeurs de visas.
Or, la plupart des mineurs en ont demandé un pour tenter d’entrer légalement en France. Comme les visas ne sont attribués qu’à des majeurs voyageant seuls, ces mineurs ont souvent menti sur leur âge, dans leurs pays d’origine, en tentant de se faire passer pour majeur. Ils apparaissent donc comme tels dans le fichier AME », explique Michel Caron.
Vers une pluie de condamnations
Désormais, ce mensonge initial pèsera lourd. (...)
Le responsable anticipe d’ailleurs une pluie de condamnations de la France par la justice internationale en cas de vote d’un tel dispositif. (...)
« Prendre ces données pour argent comptant revient à ignorer la détresse de ces personnes qui devaient fuir l’enfer chez elles. Il n’y a pas si longtemps en France aussi nos grands-parents devaient parfois se fabriquer de faux papiers pour se rendre en zone libre », fait encore valoir Michel Caron, appelant à mieux prendre en compte la situation de ces jeunes dans leurs pays d’origine.