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Quand l’Aide sociale à l’enfance laisse tomber les adolescents isolés
Article mis en ligne le 25 avril 2015
dernière modification le 16 avril 2015

La plupart ont un rêve : aller à l’école et s’intégrer. Mais ce rêve est en passe d’être brisé. Les mineurs étrangers isolés ne représentent que 6 % du public de l’Aide sociale à l’enfance. Ils sont néanmoins soumis aux aléas des politiques locales et des égoïsmes territoriaux.

Et quand un département fait l’effort de mettre en place des structures d’accueil, les moyens font souvent défaut. Les critères d’âge et la complexité des dispositifs créent des situations parfois ubuesques, malgré le dévouement des associations et des collectifs de soutien. Enquête sur la situation parisienne. (...)

Le parrainage civil – une cérémonie remise au goût du jour par RESF pour les familles sans papiers – s’est ouvert depuis quelques années aux jeunes isolés étrangers. Il n’a qu’une valeur symbolique, mais un certificat portant le nom d’un élu constitue une protection supplémentaire pour ces futurs majeurs en attente d’un titre de séjour. D’un point de vue légal, rien ne contraint une municipalité à ordonner ces cérémonies – dont les modalités varient selon les équipes. A Paris, elles ont lieu régulièrement dans toutes les mairies de gauche – sauf celle du 18ème. (...)

Tous les travailleurs sociaux sont pourtant d’accord sur un point. Les mineurs isolés étrangers et les jeunes majeurs sont extrêmement volontaires et désireux de s’intégrer au plus vite. Noël Reliquet en est témoin. Lui est professeur dans un « établissement régional d’enseignement adapté » qui a pour vocation d’accueillir des jeunes en grande difficulté scolaire et sociale. « Lorsqu’un adulte rentre dans ma salle de cours, raconte-t-il, je demande parfois aux élèves de se lever... histoire de tester mon autorité. Cette consigne n’a jamais été suivie. Mais l’arrivée en nombre de ces jeunes étrangers a singulièrement changé l’ambiance de la classe. Un jour, le chef des travaux est entré, j’ai demandé aux élèves de se lever et quelle ne fut pas ma surprise de voir toute la classe m’obéir », raconte l’enseignant.

« Quand on leur demande ce qu’ils recherchent en France, poursuit-il, la première chose qu’ils répondent ce n’est ni l’argent ni même le travail, mais l’école. » (...)

Malgré leur soif d’apprendre, l’écrasante majorité d’entre eux ne verront de l’école qu’un cycle professionnel, orienté vers des métiers « en tension », autrement dit des secteurs où les emplois, souvent peu qualifiés et peu gratifiants, ne trouvent pas preneurs en France. « Ce qu’il faut comprendre, résume Renaud Mandel, c’est qu’on va leur demander d’être irréprochables et de s’asseoir sur leurs rêves. » Il cite le cas exceptionnel d’un jeune Tchétchène, arrivé en France à l’âge de 15 ans avec un objectif précis et la maîtrise parfaite de cinq langues. Il est parvenu à accrocher une filière générale, puis il est entré à Sciences-po, est devenu avocat avant de retourner dans son pays pour y mettre à profit ses compétences. Sans oublier le cas de Lassana Bathily, ancien élève sans papier parisien, devenu héros national. Mais pour d’autres, animés des mêmes ambitions et tout aussi courageux, rien de tel n’est même envisageable. « J’ai souvenir d’un jeune Congolais qui avait écrit un excellent article. Mais s’il était allé dire son désir de devenir journaliste, on lui aurait ri au nez. »

Des adolescents mineurs livrés à eux-mêmes dans la rue
(...)

« Les délais d’évaluation sont trop longs, deux mois en moyenne », explique Jean-Michel Centres, responsable des mineurs isolés étrangers pour le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples). « Suivant les soirs, admet Fatou Sow, nous pouvons avoir jusqu’à quatre mineurs avérés ne disposant pas de place. Il arrive qu’un très jeune se présente alors que la liste est déjà pleine, on ne peut pas enlever une place attribuée. On ne sépare pas non plus les fratries. Et on ne peut pas mettre un jeune majeur avec un mineur de 14 ans, car par le passé il y a eu des problèmes. » (...)

Quand l’évaluation sociale est contestée, la justice a désormais largement recours à l’expertise osseuse. « Il y a une xénophobie douce, administrative, qui est le reflet de notre société, renchérit Jean-Pierre Fournier, de RESF, la volonté de l’ASE est qu’ils ne s’ancrent pas. » Les mineurs isolés étrangers ne représentent pourtant que 6 % des jeunes pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance à l’échelle nationale. Mais faute d’une articulation correcte entre l’État et les départements, Paris se retrouve à gérer un pourcentage bien supérieur. « J’ai eu le cas par exemple d’un jeune dont le dossier avait été rejeté et qu’on a renvoyé vers la capitale depuis Bourg-en-Bresse avec un simple billet de train », se souvient Renaud Mandel. Un de ceux qui, ni mineur ni majeur, se sera retrouvé à la rue.