
L’heure n’est plus à « mon ennemi, c’est la finance », parce que le nouvel ennemi est le SMIC. On avait, paraît-il, tout essayé contre le chômage, sauf supprimer le SMIC.
Les exonérations de cotisations sociales patronales, menées depuis plus de vingt ans, atteignent plus de 20 milliards d’euros par an. Le gouvernement a prévu d’y ajouter 20 autres milliards au titre du CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi) et 10 milliards au titre de la branche famille. On devrait avoisiner, sans doute dès 2015, les 50 milliards, nombre d’or magique du Medef. Mais cela ne suffit pas. Car ces exonérations sont toutes plus ou moins fonction du SMIC ou d’un multiplicateur du SMIC (entre 1 et 1,6 pour les allègements dus au gouvernement Fillon intégrant ceux liés aux 35 heures ; et entre 1 et 3,5 pour les baisses de cotisations salariales). Il reste donc la dernière barrière à faire sauter, le SMIC lui-même.
Qui chérit bien enrichit bien
Donc, tout ce que la planète économiste française compte de libéraux est entré en lice contre ce dernier « tabou ». Le mot « tabou » vise à considérer un objet social désuet, archaïque et contraire à la bonne marche de l’économie. De Pascal Lamy, dont la compétence économique a fait merveille à la Commission européenne et au FMI, à Philippe Aghion, Gilbert Cette et Élie Cohen, « économistes » dont certains se pensent certainement de gauche, en passant par Michel Godet, qui prône depuis vingt ans de tuer les retraites, tous proposent de supprimer le SMIC.
Leur tour de force est de faire passer la résurrection d’une idée réactionnaire pour une idée nouvelle (...)
Le chômage est donc de la responsabilité du chômeur. On oublie que la somme des salaires constitue la plus grande part du revenu national et donc de la stimulation de l’activité, produire des biens d’investissement et des biens et services de consommation. D’où l’ineptie de la politique dite de l’offre qui postule que l’emploi peut repartir sans commandes aux entreprises. Ces commandes qui viennent des ménages pour consommer, des entreprises entre elles pour investir, et de l’État et autres collectivités publiques pour investir également.
Car tout s’enchaîne dans la rhétorique libérale : d’un côté, faire de la force de travail une marchandise comme les autres, et, de l’autre, transformer toute activité en marchandise en privatisant ce qu’il reste à privatiser et en menant sans faiblir la baisse des dépenses publiques. (...)
Comme quoi, le débat progresse : on s’est demandé ces jours derniers s’il fallait concentrer la baisse des cotisations sur les bas salaires ou en faire profiter toute la grille des salaires. Il semblerait que Valls ait tranché en faveur de la seconde solution. Comme par hasard, c’était la demande du Medef. Mais alors, dites-moi, c’était donc la preuve que la mesure sur les bas salaires n’était pas efficace ? On n’abandonne pas une idée qui fait perdre ! On la généralise…