
La carte scolaire est couramment présentée comme un outil essentiel de production de la mixité sociale à l’école, censé garantir l’égalité républicaine. Pour atteindre effectivement cet objectif d’égalité des chances entre les élèves, deux conditions sont nécessaires. D’une part, il faudrait que les établissements scolaires soient égaux, en termes de qualité des enseignants, des équipements, de variété des options possibles, des ressources mobilisées pour et autour de l’enseignement. De l’autre, il faudrait que la composition sociale du groupe scolarisé soit semblable d’un établissement à l’autre.
Appuyée sur la construction d’une typologie des établissements, l’analyse comparative des profils sociaux des collèges montre que la ségrégation scolaire est en fait plus forte encore que la ségrégation résidentielle. L’explication de ce surcroît de ségrégation tient à deux facteurs.
(...) C’est cette distance entre les enfants des catégories supérieures et les enfants des catégories populaires et étrangers qui est la composante majeure de la ségrégation scolaire ; et c’est entre les enfants dont les parents sont chefs d’entreprise, cadres d’entreprise ou exercent une profession libérale et les enfants des catégories populaires et étrangers que le surcroît de ségrégation entre les distributions résidentielle et scolaire est le plus marqué.
Ce point est d’autant plus important à souligner qu’une bonne partie de la littérature impute aux classes moyennes la responsabilité de la ségrégation scolaire, alors que ces classes moyennes sont pourtant nettement plus proches résidentiellement des classes populaires, et qu’il n’y a pas de surcroît de ségrégation scolaire entre classes moyennes et classes populaires. (...)
Il nous semble que cette ségrégation considérable pose problème quant au caractère républicain des forces chargées du maintien de l’ordre public, le maintien d’une telle distance sociale ne pouvant qu’encourager la méfiance réciproque et, pour les agents d’autorité, une tendance à la stigmatisation et à la discrimination des classes populaires et des immigrés.
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